Syrie : la chute du régime de Bachar al-Assad, une opportunité pour Daesh ?
Après la chute de Bachar al-Assad en Syrie, va-t-on assister à une période d'instabilité favorable à la résurgence de Daesh ? Alors qu'un gouvernement de transition voit le jour, les divergences des alliés de circonstance du groupe islamiste HTS pourraient avoir de lourdes conséquences.
Il n'aura fallu qu'une dizaine de jours pour que le régime de Bachar al-Assad ne tombe. Ce week-end, les rebelles du groupe islamiste HTS (pour Hayat Tahrir al-Sham) ont progressé jusqu'à Damas, la capitale de la Syrie, provoquant l'exil du président syrien Bachar al-Assad, à la tête du pays depuis 24 ans.
Près de 13 ans après le début des immenses manifestations lors du Printemps arabe, le pouvoir syrien va être transféré du Baas, le parti du désormais ex-président, aux mains des rebelles.
En parallèle de l'arrivée de ces derniers, les États-Unis et Israël ont déjà commencé à bombarder des entrepôts sur le sol syrien pour éviter que des armes de l'ancien régime ne tombent entre de mauvaises mains. Car l'ombre de Daesh pourrait bien planer de nouveau.
Contradictions entre alliés
Les États-Unis ont déjà annoncé avoir visé près de 75 cibles de l'État islamique. "Il ne doit y avoir aucun doute : nous ne laisserons pas l'EI se reconstituer", assure le général Michael Erik Kurilla dans un communiqué.
Actuellement, l'organisation islamiste a perdu la quasi-totalité du territoire qu'elle contrôlait en Irak et en Syrie. Mais plusieurs cellules clandestines restent activent dans la région. Éviter la résurgence de Daesh, c'est aussi l'ambition du HTS, explique à Europe 1 David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'analyse stratégique IFAS, associé à l'IRIS.
"L'enjeu est évidemment sur la gouvernance à venir. Je parle d'une gouvernance parce que l'opération a été menée par le HTS et, autour de lui, il y avait une myriade de groupes plus ou moins islamistes ou liés à des acteurs géopolitiques extérieurs. Tout ce qui les réunissait, c'était le renversement de Bachar al-Assad. Mais à partir de ce moment-là, des contradictions sous-jacentes sont susceptibles de ressurgir, y compris entre alliés de circonstance", souligne le chercheur.
Opposition au djihadisme de Daesh
Aujourd'hui, "il y a toute une mosaïque communautaire en Syrie. Donc plusieurs questions se posent : qui va pouvoir gouverner la Syrie ? Comment ? Selon quelles modalités ? On attendrait des élections, mais le doute est permis", poursuit le rédacteur en chef d'Orients Stratégiques. Une instabilité politique dans laquelle Daesh pourrait s'engouffrer.
"HTS se présente aujourd'hui comme le vecteur principal du renversement de Bachar al-Assad, et comme le promoteur d'un djihad national. Le groupe veut se présenter comme un interlocuteur crédible, d'où ce lissage d'image. Toutes choses égales par ailleurs, cela peut faire penser aux Talibans, qui se présentaient comme un mouvement islamo-djihadiste à caractère nationaliste, et non pas à vocation internationaliste" comme l'État Islamique, souligne David Rigoulet-Roze.
Des groupes amenés à prendre de l'ampleur
"La preuve en est que, dans l'enclave d'Idlib, que HTS contrôle depuis plusieurs années, ils ont réprimé sans état d'âme Daesh, où en tout cas, les activistes de Daech qui se manifestaient et qui souhaitaient se réorganiser", insiste le chercheur. Objectif selon ce dernier : éviter "toute dérive internationaliste".
Mais en parallèle de Daesh, d'autres groupes pourraient profiter de l'instabilité politique de la Syrie pour prendre de l'ampleur. "C'est certain, car les agendas ne sont pas tous coïncidents. Par exemple, c'est le cas des groupes pro-trucs, dont l'AMS (armée nationale syrienne), très dépendante des services turcs, Ces derniers n'ont pas forcément un agenda similaire à HTS, notamment par rapport à la problématique kurde", souligne David Rigoulet-Roze.
Pour le moment, un nouveau Premier ministre de transition, chargé des affaires courantes, a été nommé : Mohammad al-Bachir. Un nom qui n'est pas inconnu pour HTS, puisqu'il dirigeait jusqu'à présent le "gouvernement de salut national" du groupe à Idlib.