Paradoxalement, les relations entre Washington et Moscou devraient être plus ouvertes après les événements en Syrie, estime François Hesbourg. (Oeuvre de l'artiste népalais Sunil Sidgel en Inde). 8:36
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A.D , modifié à
Les relations se tendent autour de la Syrie entre les deux anciens blocs. Mais selon François Hesbourg, spécialiste en relations internationales, le conflit ne devrait pas s'intensifier.
INTERVIEW

Les visages d'enfants asphyxiés ont choqué le monde. L'attaque chimique, mardi en Syrie, attribuée au régime de Bachar al-Assad, a fait au moins 86 morts dont une trentaine d'enfants. Vendredi, les Etats-Unis ont riposté en envoyant des missiles sur la base d'où seraient partis les avions syriens. Ce que Moscou, allié de la Syrie, a qualifié d'"acte d'agression". François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique, était l'invité de C'est arrivé cette semaine pour décrypter ces relations internationales qui se tendent.

Pour Trump, "le soupçon de complaisance dissipé". L'escalade des réactions est déjà là, selon le spécialiste, en témoigne la frappe américaine. Il note également que "les mots se sont durcis", du côté russe, puisque les officiels ont employé le terme de "conséquences. Cela étant dit, le président Poutine fait surtout des moulinets. Sa puissance reste limitée par rapport à celle que peuvent mobiliser les Américains", estime François Heisbourg, qui ne voit pas la situation s'envenimer au-delà. Quand tout "ce sera décantée, Trump et Poutine pourront dialoguer plus facilement qu'avant cette épisode, simplement parce que Trump et son entourage étaient soupçonnés d'être complaisants vis-à-vis de Poutine, voire pire. Le soupçon de complaisance est dissipé", juge-t-il.

Les hommes de l'imprévisible. Mais si Trump a frappé, ce souci d'éloigner les soupçons de complaisance n'était pas sa motivation première, pense l'expert. "Trump est davantage premier degré." Avec cette frappe, le président américain a en revanche saisi "l'opportunité de montrer qu'il était capable de faire ce qu'Obama n'avait pas osé faire en 2013." Donald Trump a ainsi changé sa position, lui qui une semaine auparavant rangeait la Syrie au nombre des affaires non prioritaires. "Monsieur Trump, un peu comme le président Poutine, est un homme de l'imprévisibilité."

"Trump montre qu'on peut taper sur Daech tout en tapant sur Bachar". Ce qui semble prévisible à François Hesbourg, c'est que Poutine continuera à soutenir Assad. "Bachar continue de gagner sur le terrain et les actifs russes en Syrie méritent d'être protégés du point de vue des intérêts de la Russie. Le soutien se poursuivra jusqu'au jour où le prix diplomatique deviendrait trop élevé." L'expert ne voit donc pas de tournant diplomatique immédiat.

Du côté européen, le spécialiste décrit un soulagement face à l'action de Trump, "d'où le soutien" de Merkel, Hollande et May, "trois personnalités politiques de premier plan très différents". "La France soutient toujours le passage par les Nations unies. C'est une constante de notre politique. Trump montre qu'on peut taper sur Daech tout en tapant sur Bachar. C'est une leçon de choses dont les Français vont faire leur miel."

Des conséquences... en Chine ?

Le président des Etats-Unis a lancé sa riposte au moment où le président chinois, Xi Jinping, est à ses côtés en Floride. Ce n'est pas un hasard pour François Heisbourg, mais plutôt une démonstration. "Quelques jours avant l'attaque, le président Trump avait dit aux Chinois 'si vous n'êtes pas capables de vous occuper de la Corée du Nord, nous allons le faire'." C'est aussi l'aspect du conflit qui soucie le plus François Heisbourg : "la Chine est l'autre superpuissance de la planète. La Syrie est une petite chose, la Russie un très grand pays mais avec un PIB de l'Espagne, la Chine, c'est autre chose. Les Chinois n'aiment pas perdre la face, c'est un cliché exact. Je pense que le président chinois va tirer ses propres conclusions et qu'il le fera payer très cher."