La tension est de plus plus forte entre les Russes et les Américains. Mercredi, Donald Trump a averti d'un tir imminent de missiles contre le régime de Bachar al-Assad en représailles à une attaque chimique présumée près de Damas, interpellant directement la Russie qui soutient le régime syrien. Dans un deuxième message en 280 caractères le président américain avait également déploré que les relations entre la Russie et les Etats-Unis soient "pires aujourd'hui qu'elles ne l'ont jamais été, y compris pendant la Guerre froide". Jeudi, le commander in chief est toutefois resté évasif sur le moment où les Etats-Unis pourraient lancer les frappes. La Russie a également assuré avoir garder un contact militaire avec Washington en Syrie. Peut-on alors réellement parler de nouvelle Guerre froide ? Des frappes en Syrie auront-elles pour effet d'envenimer encore plus les relations entre les deux pays ? Décryptage.
Les relations entre Etats-Unis et Russie sont-elles pires que pendant la Guerre froide ?
"Certainement pas", affirme mardi à Europe 1, Cyrille Bret, enseignant à Sciences Po Paris, spécialiste des questions de défense et dirigeant du site géopolitique EurAsia Prospective. "En 1962, la crise de Cuba, l'installation de missiles nucléaires à une centaine de miles du territoire américain a mené les États-Unis et l'URSS au bord d'une guerre nucléaire. La guerre au Vietnam a également donné lieu à des tensions gigantesques entre les deux pays. Aujourd'hui, c'est une situation de tension mais nous ne sommes pas au bord de la troisième guerre mondiale", estime le spécialiste.
"Les relations entre les deux pays sont très mauvaises mais comme toujours Donald Trump est dans l'hyperbole. Il a une grande ignorance de l'histoire", estime pour sa part Nicole Bacharan, politologue, spécialiste des États-Unis contactée, par Europe 1. "La situation n'est pas la même que pendant la Guerre froide. A l'époque, il y avait deux blocs constitués avec deux idéologies. Aujourd'hui, Donald Trump n'a pas le leadership d'un monde libre", détaille-t-elle reconnaissant toutefois qu'une nouvelle forme de guerre existe entre les deux pays.
Quelles conséquences pourraient avoir les frappes américaines en Syrie ?
"Aujourd'hui en Syrie, il y a des forces iraniennes, turques, kurdes, françaises, russes… Il y a donc toujours des risques de dommages collatéraux en cas de frappes", estime Nicole Bacharan. L'armée russe a ainsi promis mercredi "des mesures de riposte" directes en cas de menace pour la vie des soldats russes stationnés en Syrie.
Mais, selon Cyrille Bret,"si les Américains ne bombardent pas les sites russes en Syrie, le risque de confrontation est très limité. Bien sûr que les relations entre les Russes alliés de la Syrie, et les États-Unis se dégraderont encore un peu plus. Mais c'est surtout une tension diplomatique forte", pointe Cyrille Bret qui rappelle que des frappes américaines ont déjà eu lieu. En avril 2017, Donald Trump avait ainsi fait bombarder une base militaire syrienne en riposte à une attaque au gaz sarin qui avait tué plus de 80 civils à Khan Cheikhoun, dans le nord-ouest de la Syrie.
La Syrie est-elle le seul point de tension entre les deux pays ?
Outre la situation en Syrie, les relations entre l'Occident et la Russie se sont passablement dégradées ces dernières semaines avec l'affaire de l'ex-espion Sergueï Skripal empoisonné en Angleterre le 4 mars suivie de sanctions diplomatiques et de l'expulsion de diplomates notamment à Moscou et à Washington.
"Mais les points de tension sont multiples depuis plusieurs années", rappelle Nicole Bacharan. Elles sont militaires :"On peut citer la présence américaine en Ukraine, les tensions entre Russie et Etats-Unis au sujet de la zone arctique, chaque puissance souhaitant étendre son territoire", détaille Cyrille Bret. Mais aussi diplomatiques. "Le gros point d'achoppement, ce sont les sanctions américaines contre la Russie due à l'annexion de la Crimée et au conflit dans le Donbass", ajoute le spécialiste.
"Mais ces tensions sont circonscrites car la Russie n'a pas la même puissance que l'URSS", assure-t-il. Dans les années 1970, l'URSS possédait des bases militaires en Afrique, à Cuba, en Inde. "Elle était omniprésente, elle suscitait des guérillas communistes. Aujourd'hui, on est plus du tout dans la même situation. La Russie a le PIB de l'Espagne. Les troupes russes c'est un peu l'équivalent des troupes françaises et britanniques," insiste Cyrille Bret. En d'autres termes, "la Russie n'a pas les moyens économiques de sa géopolitique."