"Recep Tayyip Erdogan est un président populiste, qui navigue à vue et gouverne dans l'outrance." En matière de politique, la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven ne mâche pas ses mots. Invitée d'Europe 1 mercredi matin, la réalisatrice césarisée de Mustang a livré sa vision des tensions qui montent entre ses deux pays. Aujourd'hui, dit-elle, la Turquie est "écrasée" par le président Erdogan qui "occupe avec ses valeurs le devant de la scène internationale".
Après un week-end déjà tendu, le président turc a laissé éclater sa colère mercredi à la suite d'une caricature de lui publiée par Charlie Hebdo. Cette dernière flambée place un peu plus sous le signe des tensions le match de Ligue des champions qui doit se dérouler mercredi soir à Istanbul entre le Paris Saint-Germain et le Basaksehir, club proche du président turc. "Erdogan a reconstruit cette équipe de toute pièce, comme il l'a fait avec d'autres pans de la société turque. Il ré-écrit l'histoire et la culture de la Turquie en effaçant toute influence de l'Occident", affirme la réalisatrice.
"J'espère un jour retourner à la Turquie d'avant"
Elle regrette que la Turquie n'ait jamais rejoint l'Union européenne, comme le pays en avait fait la demande dès 1999. "Pour moi, c’est le point de départ de ce qu'il se passe en Turquie aujourd'hui. On avait l'opportunité de créer une entité forte et inclusive, qui célébrait le vivre ensemble. En décidant que l'Europe serait de culture chrétienne, on a invoqué un patrimoine historique dépassé. J’aurais voulu que l'on réussisse à transcender les valeurs religieuses."
Depuis l'arrivée de Recep Tayyip Erdogan au pouvoir, Deniz Gamze Ergüven dit qu'elle a du mal à reconnaitre son propre pays. "Si je devais raconter à mon père, décédé l'année de sa prise de pouvoir, à quoi ressemble le pays, il n'en reviendrait pas", souligne-t-elle, avant d'ajouter : "J'espère un jour retourner à la Turquie d’avant, celle qui ne rejetait pas les autres."