La Belgique est-elle la base arrière du djihad en Europe ? Ayoub El Khazzani a séjourné à Bruxelles avant de monter dans un Thalys pour tenter d’y commettre un attentat le 21 août dernier et le pays apparaît dans plusieurs affaires de terrorisme lié à l'islam radical ces dernières années.
Le prisme djihadiste des années 90 à Massoud. La Belgique a découvert le djihad dès le début des années 1990. Servant plutôt de base arrière, le pays avait été menacé de représailles par le Groupe islamique armé (GIA) algérien après le démantèlement d'une de ses cellules à Bruxelles. Après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, il est apparu que les assassins du commandant Massoud, chef de la lutte contre les talibans en Afghanistan, disposaient de faux passeports belges et de soutiens logistiques en Belgique. Dans la foulée, un ancien footballeur professionnel membre d'al-Qaïda, Nizar Trabelsi, avait été arrêté alors qu'il fomentait un attentat contre une base militaire.
440 Belges passés par la Syrie et l’Irak. En 2015, ce petit Etat de 11 millions d'habitants est devenu le pays d’ Europe qui compte le plus grand nombre de volontaires partis combattre en Syrie ou en Irak, proportionnellement à sa population. 440 Belges ont rallié le djihad ces dernières années: 260 y seraient toujours, 60 sont morts et 120 sont revenus en Belgique.
A titre de comparaison, la France et ses 66 millions d’habitants compte 457 de ses ressortissants ayant rejoint la zone. 105 y seraient morts et 213 sont revenus en France, selon une estimation dévoilée en mai dernier par le ministre de l’Intérieur.
Un des "viviers du terrorisme islamiste" en Europe. "La Belgique est une plaque tournante, un vivier du terrorisme islamiste, mais ce n'est pas le seul en Europe", affirme Claude Moniquet, codirecteur de l'European strategic Intelligence and Security Center. Il cite aussi la région parisienne, celles du Rhône-Alpes et de Roubaix-Tourcoing en France, ainsi que la Grande-Bretagne. Alors qu'environ cinq mille Européens ont rejoint le djihad en Syrie, et que l'Europe a été frappée par une série d'attentats meurtriers au nom de l'islam radical ces dix-huit derniers mois, la Belgique est apparue dans plusieurs des enquêtes comme un lieu de séjour, d'achat d'armes ou comme une cible.
Avant Charlie, l’attaque du musée juif de Bruxelles. Relativement épargné jusque-là, le royaume a été ébranlé par l'attaque commise en mai 2014 contre le musée juif de Belgique à Bruxelles, qui a fait quatre morts. L’auteur, Mehdi Nemmouche, est un Français revenu de Syrie où il avait combattu dans les rangs du groupe Etat islamique.
Deux morts dans un coup de filet juste après les attentats de Paris. En janvier, juste après les attentats de Paris, la police belge avait abattu deux djihadistes présumés en prenant d'assaut leur cache à Verviers, dans l’est du pays. La police avait ensuite procédé à des perquisitions et interpellations dans toute la Belgique, et notamment à Molenbeek-Saint-Jean, quartier populaire de Bruxelles où a également séjourné le suspect du Thalys. La cellule démantelée, dont le cerveau présumé est toujours en fuite, projetait de façon "imminente" des attentats contre des commissariats et des policiers dans la rue, selon le parquet.
L’arsenal belge des Kouachi et Coulibaly. La Belgique est aussi une plaque tournante pour le trafic d'armes, a reconnu son ministre de la Justice Koen Geens cette semaine. "Il est évident que beaucoup trop de ces kalachnikovs illégales arrivent chez nous en provenance d'Europe de l'Est et nous devons nous y attaquer de nouveau", a-t-il déclaré.
Selon les médias belges, une partie de l'arsenal utilisé par les frères Kouachi dans l'attaque contre Charlie Hebdo à Paris en janvier, et par Amedy Coulibaly contre un magasin casher, a été achetée à Bruxelles. Le procureur fédéral belge Frédéric Van Leeuw donne une idée de l'ampleur du problème: il a "ouvert cette année davantage de dossiers liés au terrorisme que pour l'année 2014 dans son intégralité, et il s'agissait d'une année record avec 195 dossiers".
Un groupe salafiste influent jusqu’en France. En février, à l'issue d'un procès contre 46 membres du groupe salafiste Sharia4Belgium, le tribunal d'Anvers, dans le nord du pays, avait condamné le meneur, Fouad Belkacem, à 12 ans de prison pour avoir envoyé des dizaines volontaires en Syrie. Lors de prêches en pleine rue et sur Internet, il avait également menacé d'attaquer des lieux symboliques, comme le palais royal, et réclamé l'instauration d'un "Etat islamique" en Belgique.
"Dans plusieurs dossiers de jeunes Français revenus de Syrie, on a découvert qu'ils se sont radicalisés en lisant des publications de Sharia4Belgium", qui a aidé certains d'entre eux à partir, explique Claude Moniquet. La plupart des djihadistes belges ont grandi dans les zones paupérisées et à forte population d'origine immigrée d'Anvers, Bruxelles, Verviers ou Vilvorde.
En pointe sur la problématique des retours. La Belgique a d'ailleurs été l'un des premiers pays européens à tirer la sonnette d'alarme, début 2013, sur la menace représentée par le retour au bercail des djihadistes européens. Le pays appelle depuis, avec la France, à renforcer la coopération policière entre les pays d'origine et de transit, comme la Turquie.