Au moins 95 morts et plus de 170 blessés blessés, c'est le terrible bilan - provisoire - de la double explosion survenue samedi matin, près de la principale gare d'Ankara, en Turquie. Ces explosions sont survenues avant un rassemblement de l'opposition en faveur de la paix, organisé par l'opposition pro-kurde, à trois semaines des élections législatives anticipées. Cette attaque a très probablement été commise par deux kamikazes, a déclaré le Premier ministre, Ahmet Davutoglu, samedi après-midi lors d'une conférence de presse.
Un bilan très lourd. "62 personnes ont été tuées sur le coup et 24 autres sont décédées à l'hôpital", a indiqué le ministre de la Santé, Mehmet Müezzinoglu, en début d'après-midi, lors d'une conférence de presse dans la capitale turque, précisant que 186 autres personnes avaient été blessées, dont 28 grièvement. Un peu plus tard dans la journée, les services du Premier ministre Ahmet Davutoglu ont publié un nouveau bilan est passé à 95 morts et 246 blessés, dont 48 se trouvaient toujours en soins intensifs.
Les trois infos à retenir :
- Le bilan, qui pourrait s'alourdir, s'élève à 95 morts et 246 blessés
- Cette double explosion aurait été provoquée par deux kamikazes
- La Turquie décrète trois jours de deuil national
"Une grosse et une petite explosion". Samedi matin, vers dix heures (heure locale), deux fortes explosions ont secoué les alentours de la gare centrale d'Ankara, où des milliers de militants étaient venus de toute la Turquie à l'appel de plusieurs syndicats, d'ONG et de partis de gauche, dont le principal parti prokurde du pays, le Parti démocratique des peuples (HDP), se rassemblaient pour dénoncer la reprise du conflit entre Ankara et les rebelles kurdes. Ce rassemblement en faveur de la paix était prévu dans l'après-midi, alors que les affrontements, meurtriers et quotidiens, font rage entre les forces de sécurité turques et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie.
"On a entendu une grosse et une petite explosion et il y a eu un gros mouvement de panique, ensuite nous avons vu des corps qui jonchaient l'esplanade de la gare", a rapporté Ahmet Onen, un retraité de 52 ans qui quittait les lieux avec sa femme. Les médias turcs ont diffusé des images prises par un vidéaste amateur, qui montrent des groupes de militants chantant et dansant main dans la main, avant d'être précipités au sol par la violence de la déflagration :
#AnkaradayızEmek, Barış ve Demokrasi Mitingindeki patlama anı videosu#dokuz8 / @meliketmbkpic.twitter.com/it3dodESKz
— dokuz8 (@dokuz8haber) 10 Octobre 2015
Des tirs pour disperser la foule. Cette double explosion a transformé l'esplanade en scène de guerre, avec de nombreux corps sans vie jonchant le sol au milieu de bannières "Travail, paix et démocratie", et provoqué la panique dans la foule. La police a été contrainte de tirer des coups de feu en l'air pour disperser des manifestants en colère qui protestaient contre la mort de leurs camarades aux cris de "policiers assassins".
"C'est comme à Suruç", a commenté un témoin, venu participer à la manifestation. Le 20 juillet dernier, un attentat suicide attribué au groupe djihadiste Etat islamique (EI) avait fait 32 morts parmi des militants de la cause prokurde dans cette ville toute proche de la frontière syrienne. Dans la foulée de l'attaque, les affrontements avaient repris entre l'armée et la police turques et les rebelles du PKK, faisant voler en éclat un fragile cessez-le-feu qui tenait depuis mars 2013.
Deux kamikazes ? Samedi matin, les autorités turques ont très rapidement évoqué l'hypothèse d'un attentat. "Il existe de fortes preuves montrant que cette attaque a été perpétrée par deux kamikazes", a affirmé, samedi après-midi, le Premier ministre. "Il a été décidé de décréter [...] trois jours de deuil national", a par ailleurs annoncé Ahmet Davutoglu.
Erdogan dénonce "une attaque haineuse". Dans une déclaration samedi matin, le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan avait dénoncé une "attaque haineuse contre notre unité et la paix de notre pays" et promis "la réponse la plus forte" contre les auteurs.
La France condamne "un odieux attentat". De son côté, le président français François Hollande a condamné samedi, dans un communiqué, "l'odieux attentat terroriste" commis dans la capitale turque. "Le président de la République adresse toutes ses condoléances au peuple turc", écrit l'Elysée.
Un millier de manifestants dans les rues parisiennes. Samedi après-midi, environ un millier de personnes, en très large majorité kurdes, ont manifesté à Paris à l'appel du Conseil démocratique kurde en France (CDKF) pour dénoncer ce double attentat. Les participants se sont rassemblés de manière spontanée dans le calme en début d'après-midi sur la place de la République, certains brandissant des drapeaux du parti pro-kurde turc pour la démocratie des peuples (HDP).
Pour Merkel, "un acte particulièrement lâche". L'Union européenne a demandé à la Turquie de "rester unie" contre "les terroristes" malgré cette attaque qui survient dans un climat de fortes tensions, attisées par le conflit kurde et les échéances électorales. Angela Merkel, plus prudente sur l'origine de la double explosion, a quant à elle fait part de sa solidarité dans un message adressé au Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu : "Si les indices d'attaques terroristes se confirment, il s'agit alors d'un acte particulièrement lâche, dirigé directement contre les droits civiques, la démocratie et la paix". La Maison blanche a elle aussi condamné" une attaque "horrible".
Les rebelles kurdes suspendent leur "guérilla". Quelques heures après cette double explosion, le PKK a annoncé la suspension de ses activités avant les élections. "Notre mouvement a décrété une période d'inactivité pour nos forces de guérilla, sauf si nos militants et nos forces de guérilla étaient attaqués", a indiqué l'Union des communautés du Kurdistan (KCK), l'organisation qui chapeaute les mouvements rebelles kurdes, dans une déclaration sur son site internet.
Des élections législatives anticipées sont prévues le 1er novembre prochain, après l'échec des négociations pour la formation d'un gouvernement de coalition suite au dernier scrutin législatif. En effet, le 7 juin dernier, le parti du président islamo-conservateur, Recep Tayyip Erdogan, avait perdu la majorité absolue qu'il détenait depuis treize ans au Parlement, notamment en raison du bon score réalisé par le HDP, le principal parti prokurde de Turquie.