Le procès en diffamation de l'ancienne cadre d'UBS France Stéphanie Gibaud, poursuivie par la banque pour un livre dénonçant l'évasion fiscale, a été reporté jeudi, peut-être pour longtemps. Le tribunal correctionnel de Paris dira le 9 mars s'il accorde à celle qui se présente comme une lanceuse d'alerte le "sursis à statuer" ou le "renvoi" qu'elle demande, ce qui repousserait toute audience de plusieurs mois.
"Prête à se défendre avec passion". Son avocat, Me David Koubbi, a assuré que Stéphanie Gibaud était prête à se défendre avec "passion" contre son ex-employeur, qui l'accuse de diffamation. Mais il a aussi mis en garde le tribunal contre une éventuelle "contrariété" entre ce qu'il pourrait décider, et le sort que la justice réservera à la banque elle-même.
"Une fraude systématique". Le parquet national financier (PNF) a en effet demandé le renvoi en procès de la maison-mère suisse UBS AG et de sa filiale française, pour avoir organisé la fraude "systématique" de contribuables français. Or, les faits reprochés à la banque recoupent en partie les accusations portées par Stéphanie Gibaud dans son livre, "La femme qui en savait vraiment trop", paru en 2014. Le PNF relève "l'omniprésence" pendant plusieurs années de chargés d'affaires suisses d'UBS en France pour tenter de trouver des clients fortunés, repérés lors de réceptions, chasse, tournois de golf ou de tennis, concerts. Or le métier de Stéphanie Gibaud était d'organiser ces événements.
"Un paradoxe". Pour UBS France, à l'origine de la plainte, Me Eric Dezeuze a reconnu qu'il y aurait un "paradoxe absolu à ce que cette affaire soit réglée" par la voie de la diffamation, et non par un éventuel procès dans l'affaire principale - à moins qu'UBS France ne choisisse la voie tout juste ouverte par le législateur d'une transaction avec la justice.
Lanceur d'alerte. Avant l'audience, Stéphanie Gibaud a déploré que l'Etat lui refuse un statut officiel de lanceuse d'alerte, faisant valoir qu'elle ne trouvait pas de travail, vivait des minima sociaux et n'avait pas de logement fixe.
"J'ai porté plainte en 2009" contre UBS France pour harcèlement moral, mais aussi pour des faits liés à la fraude fiscale, a-t-elle dit, "mais (le ministre des Finances Michel) Sapin dit qu'il ne peut rien pour moi".