Les 28 pays de l'Union européenne (UE) ont formellement suspendu mardi le projet d'une taxe européenne sur les géants du numérique en raison de l'opposition de quatre d'entre eux. Les 28 ministres des Finances, réunis à Bruxelles, ont renvoyé la balle à l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), où des discussions se poursuivent pour parvenir à un accord sur une taxe internationale sur les géants du numérique d'ici à 2020. "Dans le cas où d'ici la fin de 2020, il apparaîtrait que l'accord au niveau de l'OCDE prend plus de temps, le Conseil - c'est-à-dire les 28 ministres de l'UE - pourrait, le cas échéant, revenir à la discussion sur une approche européenne", a dit le ministre roumain des Finances, Eugen Orlando Teodorovici, après une réunion des 28.
L'unanimité nécessaire. Comme prévu, l'Irlande, la Suède, le Danemark et la Finlande ont rejeté mardi cette initiative de législation européenne, ce qui conduit à bloquer le projet car en matière fiscale, l'unanimité est nécessaire au sein de l'Union pour parvenir à un accord. "Je suis désolé que nous n'ayons pas pu nous entendre aujourd'hui (mardi). Je suis d'accord avec Bruno (Le Maire, ministre français des Finances), c'est une occasion manquée", a déclaré le Commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, à l'issue de la réunion.
Le projet "n'est pas mort". Cet échec au sein des 28 était attendu et avait poussé la France à présenter le 6 mars dernier son propre projet de taxe sur les géants du numérique. Néanmoins, le projet européen n'est pas totalement mort, comme l'a aussi souligné Pierre Moscovici : "En 2020, si nous ne sommes pas parvenus à trouver un accord international, nous devons continuer à avancer. La commission européenne n'a pas l'intention de retirer son projet de la table, ce n'est pas la fin, il n'est pas mort."
Washington menace de saisir l'OMC, Paris se montre ferme. Dans le même temps, les États-Unis ont fait savoir qu'ils envisageaient de saisir l'Organisation mondiale du commerce (OMC) au sujet des taxes à leurs yeux "discriminatoires" que la France et d'autres pays européens veulent imposer aux géants de l'Internet au niveau national.
"Au sein de notre gouvernement, certains étudient si cet impact discriminatoire nous donnerait le droit (de contester) en vertu des accords commerciaux et traités OMC", a indiqué Chip Harper, responsable du Trésor et délégué américain pour les discussions internationales sur les taxes. Une menace à laquelle le ministre des Finances Bruno Le Maire a fermement répondu : la France "est un État libre et souverain qui décide de sa taxation et qui la décide librement et souverainement", a-t-il déclaré depuis Bruxelles, ajoutant que "cela ne remettait absolument pas en cause le projet de loi qui sera étudié a partir du 4 avril à l'Assemblée nationale".