Stupeur et inquiétude, après les derniers développements de la nuit en Ukraine. Les regards sont braqués sur le sud du pays, sur la centrale nucléaire de Zaporijjia et ses six réacteurs visés par des tirs de l'armée russe. Un incendie s'est déclaré. S'il est désormais éteint, selon les dernières informations, la centrale est maintenant occupée par l'armée russe, les autorités régionales ukrainiennes l'ont annoncé ce matin. Europe 1 a pu échanger avec l'entreprise qui gère toutes les centrales du pays. Elle indique que le personnel est toujours dans le bâtiment, mais obéit désormais aux Russes.
Le danger ce matin, en tout cas à court terme, semble écarté. "Un projectile a frappé un bâtiment qui est dédié à la formation, un bâtiment annexe de la centrale", a expliqué Rafael Mariano Grossi, le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). "Cela a engendré un incendie localisé, mais aucun des six réacteurs de la centrale n'a été touché", a-t-il assuré. Et aucune fuite radioactive n'a été détectée. Mais le fait que la centrale soit occupée, c'est évidemment source d'incertitude pour la suite, souligne Bruno Chareyron.
Le directeur de la Criirad, l'association de recherche sur le nucléaire, explique que "ça crée évidemment une forte préoccupation sur la question de savoir si les équipes qui s'occupent de la centrale vont être en capacité de garantir le refroidissement des six réacteurs nucléaires et des combustibles irradiés qui sont dans les six piscines pendant les semaines qui viennent". Ce matin, les condamnations pleuvent. Le secrétaire général de l'Otan a dénoncé un acte irresponsable de la part de l'armée russe et appelle une nouvelle fois à mettre fin à la guerre.
L'Autorité de sûreté nucléaire active son centre de crise
Les ministres des Affaires étrangères de l'Alliance atlantique sont d'ailleurs réunis en urgence en ce moment à Bruxelles. Le Royaume-Uni de son côté appelle à une réunion en urgence du Conseil de sécurité des Nations unies. L'inquiétude touche le monde entier, y compris en France, où l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a activé ce matin à 7 heures son centre de crise. Anne-Cécile Rigail, sa directrice générale adjointe, était l'invitée de Raphaël Delvolvé dans Europe Midi. Un centre de crise en "mode veille" a-t-elle précisé.
"Ça signifie qu'on a réuni une quinzaine de collaborateurs dans notre centre d'urgence dans nos locaux à Montrouge. Ce sont des lieux dédiés au suivi de la situation en Ukraine." Leur travail consiste à "recouper l'information", à s'assurer "de mettre dans la boucle les bonnes personnes" afin de se tenir "prêt à répondre aux questions des autorités publiques et des citoyens", a-t-elle poursuivi. "Les points de surveillance particuliers, c'est ceux qui ont trait à la sûreté des quatre installations qui sont en fonctionnement en Ukraine", a dit Anne-Cécile Rigail.
Attention particulière sur Zaporijjia et Tchernobyl
"Il y a eu cette nuit des scènes de combats visant certains bâtiments de la centrale de Zaporijjia, dans le sud", la plus grande d'Europe avec ses six réacteurs de technologie VVER, une technologie russe. "À ce stade, avec les informations qui ont été communiquées par l'AIEA, il n'y a pas de risque imminent sur la sûreté des installations", a assuré la directrice générale adjointe de l'ASN. "Il n'y a pas eu d'élévation anormale de radioactivité constatée et aucun des systèmes qui assurent la sûreté de cette centrale ne serait touché. Pour autant, il est légitime que l'ASN assure une veille très active dans cette situation troublée." Une procédure classique selon elle.
L'Autorité de sûreté nucléaire est en contact avec les autorités ukrainiennes "puisqu'ils sont notamment membres de l'Association des régulateurs nucléaires d'Europe, l'association Wenra", et que le directeur général de l'ASN "en est le président". Pour autant, "c'est une autorité de sûreté qui a actuellement fort à faire dans un contexte de tension extrême dans le pays", a encore précisé Anne-Cécile Rigail.
L'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl est également occupée par les Russes. C'est un autre sujet de préoccupation pour l'ASN "qu'on suit avec attention", a affirmé la directrice. "Sur le site de Tchernobyl, il y a plusieurs types d'installations", a-t-elle commencé. "Il y a le réacteur qui a été anciennement accidenté et qui est actuellement recouvert par un sarcophage, mais il y a également des installations d'entreposage de combustibles usés qui représentent finalement une assez forte concentration de matières radioactives." Et de conclure qu'"importe que ces installations demeurent dans un climat de relative sérénité, pour autant que ce soit possible".