Après l'appel du patriarche russe Kirill à un cessez-le-feu en Ukraine pour le Noël orthodoxe, le président de la Russie Vladimir Poutine a donné suite en l'ordonnant les vendredi 6 et samedi 7 janvier prochains. Peu de temps avant, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait exhorté son homologue russe à appliquer un "cessez-le-feu unilatéral" en Ukraine. "Les appels à la paix et les négociations entre Moscou et Kiev devraient être soutenus par un cessez-le-feu unilatéral", avait déclaré le chef de l'Etat turc à Vladimir Poutine au cours d'un entretien téléphonique, selon un communiqué transmis par la présidence turque.
Recep Tayyip Erdogan, qui doit également s'entretenir jeudi avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, suit depuis le début du conflit une ligne qui lui a permis de conserver de bonnes relations avec le président russe Vladimir Poutine, tout en fournissant des armes à Kiev.
Les principales informations à retenir :
- Poutine ordonne un cessez-le-feu en Ukraine les 6 et 7 janvier
- Le nouveau bilan de l'attaque ukrainienne du Nouvel An à Makiïvka, occupée par les Russes, serait monté à 400 morts et 300 blessés
- John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, a rappelé son soutien à l'Ukraine, parlant de Makiïvka comme une "cible légitime"
- De vives critiques montent en Russie, fustigeant le commandement militaire russe et son "incompétence"
Vladimir Poutine ordonne un cessez-le-feu les 6 et 7 janvier
Le président russe Vladimir Poutine a ordonné jeudi à son armée d'observer un cessez-le-feu en Ukraine à l'occasion du Noël orthodoxe les 6 et 7 janvier, la première trêve d'ampleur depuis le début de l'invasion il y a près d'un an, que Kiev a de son côté qualifiée d'"hypocrisie". Cette annonce intervient après un appel en ce sens du patriarche orthodoxe russe Kirill, mais aussi une proposition du chef de l'État turc Recep Tayyip Erdogan, qui a téléphoné à M. Poutine dans la matinée.
"Compte tenu de l'appel de Sa Sainteté le patriarche Kirill, je charge le ministre russe de la Défense d'introduire un régime de cessez-le-feu sur toute la ligne de contact entre les parties en Ukraine à partir de 12H00 le 6 janvier de cette année jusqu'à 24H00 le 7 janvier", a dit le président russe, cité dans un communiqué du Kremlin. Il a en outre appelé les forces ukrainiennes à respecter cette trêve afin de donner la possibilité aux orthodoxes, la confession majoritaire en Ukraine comme en Russie, d'"assister aux offices la veille de Noël, ainsi que le jour de la Nativité du Christ".
Le patriarche de l'Église orthodoxe russe Kirill avait appelé au cessez-le-feu plus tôt dans la journée, pour que "les orthodoxes puissent assister aux offices de la veille et du jour de Noël" en Ukraine.
Ce cessez-le-feu constitue la première trêve à caractère général depuis le début de la guerre, seuls des accords locaux ayant été jusqu'alors conclus comme par exemple pour l'évacuation des civils de l'usine Azovstal à Marioupol (sud-est) en avril. "La Russie doit quitter les territoires occupés, c'est alors seulement qu'il y aura une 'trêve temporaire'. Gardez votre hypocrisie", a réagi sur Twitter le conseiller de la présidence ukrainienne Mykhaïlo Podoliak.
Erdogan avait proposé un cessez-le-feu plus tôt dans la journée
Dans sa conversation téléphonique avec Vladimir Poutine, M. Erdogan avait quant à lui proposé un "cessez-le-feu unilatéral" destiné à soutenir "les appels à la paix et les négociations entre Moscou et Kiev". Le président turc, qui se pose en médiateur dans le conflit, s'est aussi entretenu jeudi avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky sans pourtant mentionner une demande de "cessez-le-feu unilatéral". M. Poutine lui avait dans un premier temps répondu que la Russie était prête à un "dialogue sérieux" avec l'Ukraine à condition que celle-ci se plie aux exigences russes et accepte les "nouvelles réalités territoriales" nées de l'invasion de ce pays en février.
Moscou a revendiqué en septembre l'annexion de quatre régions occupées au moins partiellement par son armée en Ukraine, malgré une série de revers militaires sur le terrain, sur le schéma de celle de la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014. Volodymyr Zelensky insiste pour un retrait total des forces russes de son pays, Crimée comprise, avant tout dialogue avec Moscou. Dans le cas contraire, il promet de reprendre par la force les territoires occupés.
À l'occasion de ses discussions avec M. Erdogan, M. Poutine a en outre une nouvelle fois dénoncé le "rôle destructeur des pays occidentaux" dans le conflit du fait de leurs livraisons d'armes, cruciales pour l'effort de guerre ukrainien. Le chef de l'Etat russe a accusé les Occidentaux de "gaver le régime de Kiev d'armes et d'équipements militaires et de lui fournir des informations opérationnelles et de ciblage".
Membre de l'Otan, la Turquie ne s'est pas associée aux sanctions contre la Russie et tente de maintenir une position de médiatrice entre Kiev et Moscou. Elle a ainsi joué un rôle-clé en particulier dans l'accord permettant l'exportation des céréales ukrainiennes. Le patriarche russe Kirill n'a quant à lui que peu d'influence en Ukraine depuis que ce pays s'est doté d'une Eglise indépendante en 2018-2019 et que celle restée loyale à Moscou a rompu les liens avec la Russie en mai du fait de l'invasion.
Des réactions internationales au cessez-le-feu
La diplomatie allemande a estimé jeudi que le "prétendu" cessez-le-feu russe en Ukraine à l'occasion du Noël orthodoxe n'apportera "ni liberté ni sécurité aux personnes qui vivent dans la peur quotidienne sous l'occupation russe". "Si Poutine voulait la paix, il ramènerait ses soldats à la maison et la guerre serait terminée. Mais apparemment, il veut poursuivre la guerre, après une brève interruption", a déploré la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock dans un message sur Twitter.
Du côté des États-Unis, Joe Biden a estimé jeudi que Vladimir Poutine cherchait "à se donner de l'air" en annonçant un cessez-le-feu en Ukraine à l'occasion du Noël orthodoxe, première trêve d'ampleur depuis le début de l'invasion russe. Le président russe "était prêt à bombarder des hôpitaux, des crèches et des églises (…) le 25 décembre et lors du Nouvel an (…) Je pense qu'il cherche à se donner de l'air", a affirmé Joe Biden lors d'un discours à la Maison Blanche.
Les critiques pleuvent en Russie après la frappe meurtrière de Makiïvka
Les critiques montent en Russie après la frappe de la nuit du Nouvel an contre des soldats russes à Makiïvka, dans l'est de l'Ukraine, dont le bilan est de 89 morts selon Moscou qui a mis en cause l'usage de téléphones portables par les militaires. L'état-major ukrainien a confirmé avoir mené cette frappe et le département des communications stratégiques de l'armée ukrainienne a revendiqué un bilan bien plus lourd dans les rangs russes, chiffré à 400 morts et 300 blessés. Cette affirmation n'a cependant pas été confirmée par l'état-major.
"Une cible légitime" selon les États-Unis
Les États-Unis ne se sont pas non plus prononcés sur ces chiffres. Mais John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, a déclaré qu'il n'y a "aucune lamentation de la part de l'administration (américaine). C'est la guerre. (Les Ukrainiens) ont été envahis et ils ripostent et se défendent", a-t-il dit mercredi lors d'un entretien avec la presse.
"Les soldats russes qui se trouvent sur leur territoire sont une cible légitime d'action militaire pour l'Ukraine, point final", a-t-il ajouté. Côté russe, le bilan initialement annoncé de 63 morts a été revu à la hausse mercredi après la découverte de nouveaux corps dans les ruines du bâtiment à Makiïvka, visé par une frappe ukrainienne le 1er janvier à minuit, a indiqué le général russe Sergueï Sevrioukov dans un message vidéo diffusé par son ministère.
Une attaque géolocalisée
Selon lui, la "cause principale" de la frappe est "l'utilisation massive par le personnel de téléphones portables" malgré l'interdiction de le faire, ce qui a permis aux forces ukrainiennes de géolocaliser cette concentration de soldats russes. Sergueï Sevrioukov a assuré que "les mesures nécessaires sont prises pour éviter de tels évènements tragiques à l'avenir" et que "les responsables seront tenus de rendre des comptes".
Il s'agit du plus lourd bilan en une seule attaque admis par Moscou depuis le début de l'offensive en février, qui intervient après une série d'embarrassants revers militaires sur le terrain. Selon les médias russes, les victimes étaient des mobilisés, donc des soldats non professionnels.
En Russie, l'annonce du bilan plus lourd n'a pas manqué de susciter de nouvelles critiques envers le commandement militaire, déjà fustigé lundi et mardi pour son "incompétence" par des correspondants et commentateurs. La patronne de la chaîne RT, le fer de lance de la propagande du Kremlin à l'international, Margarita Simonian, a appelé à publier les noms des officiers russes impliqués et à prendre "la mesure de leur responsabilité".
"Il est temps de comprendre que l'impunité ne conduit pas à l'harmonie sociale. L'impunité conduit à de nouveaux crimes. Et, par conséquent, à la dissidence publique", a-t-elle écrit sur Telegram.
Des soldats russes loués pour leur "héroïsme"
Le responsable séparatiste prorusse Denis Pouchiline a lui tenu à louer "l'héroïsme" des soldats ayant survécu à la frappe ukrainienne, qui ont "risqué leur vie" en allant "secourir leurs camarades" sous les décombres. D'après lui, le commandant adjoint du régiment a été tué.
Dans un message publié sur Telegram tard mercredi, il a annoncé qu'il avait rendu visite aux blessés avec Viktor Goremykine, vice-ministre russe de la Défense, et Dimitri Azarov, gouverneur de la région de Samara d'où sont originaires certaines des victimes. Presque tous les blessés ont été transférés dans d'autres régions de Russie pour y recevoir des soins médicaux, a précisé Denis Pouchiline.
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Des négligences dans l'armée russe ?
De nombreux Russes demandaient, eux, sur les réseaux sociaux, une enquête transparente sur les circonstances de la frappe. "Ils vont faire traîner ça et dans le pire des cas, ils mettront ça sur le dos de quelqu'un", craint ainsi Valeri Boutorine sur le réseau VK.
"Ce ne sont pas les téléphones portables et leurs propriétaires qui sont à blâmer, mais la négligence banale des commandants, qui, j'en suis sûr, n'ont même pas essayé de réinstaller le personnel" hors du bâtiment, a fustigé le groupe "Notes d'un vétéran" sur Telegram, qui rassemble 200.000 abonnés. Selon l'armée russe, cette attaque a été menée à l'aide de systèmes lance-missiles Himars, une arme fournie par les États-Unis à l'Ukraine, qui permet de frapper loin derrière les lignes ennemies.
"Nous fournissons et nous continuerons à fournir (aux Ukrainiens) les équipements et l'aide dont ils ont besoin pour se défendre. Et oui, nous avons fourni des Himars et nous pourrions très bien en fournir d'autres à l'avenir", a averti John Kirby, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain.
Lors d'un entretien téléphonique, le président français Emmanuel Macron a pour sa part annoncé à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky que la France livrerait à l'Ukraine des "chars de combat légers" de fabrication française, selon l'Elysée. Sur Twitter, Volodymyr Zelensky a remercié la France pour cette nouvelle aide. Le nombre de chars et les délais de livraisons n'ont pas été précisés.