Ukraine : l'UE met en garde Trump contre un accord négocié «dans son dos»

L'Union européenne a mis en garde Trump sur ces discussions avec Poutine sur l'Ukraine, alors que les deux présidents se rencontreront sous peu en Arabie saoudite, pour des négociations sur la guerre en Ukraine. L'UE juge de son côté que rien ne peut se négocier "dans le dos" de l'Europe ou des Ukrainiens, sous peine d'"échec".
Mis à l'écart et sous le choc des discussions entre Donald Trump et Vladimir Poutine sur l'Ukraine, les Européens ont averti jeudi que tout accord de paix négocié sans Bruxelles et Kiev serait voué à l'échec.
Washington a assuré de son côté, par la voix du chef du Pentagone Pete Hegseth au cours d'une réunion ministérielle de l'Otan à Bruxelles, que ces négociations ne seraient en rien une "trahison" vis-à-vis de l'Ukraine.
"Toute solution rapide équivaut à un sale accord"
Les pays européens se sont toutefois montrés très sceptiques, leur cheffe de la diplomatie Kaja Kallas faisant même le parallèle entre aujourd'hui et 1938, quand les accords de Munich avaient abouti à l'annexion d'une partie de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne hitlérienne. Cette "stratégie de l'apaisement ne fonctionne pas", a-t-elle lancé.
Le président américain a créé la stupeur lorsqu'il a annoncé mercredi qu'il rencontrerait son homologue russe Vladimir Poutine en Arabie Saoudite, peu après un échange téléphonique entre les deux hommes qui sont convenus d'engager "immédiatement" des négociations pour mettre fin à la guerre en Ukraine. "Toute solution rapide équivaut à un sale accord que nous avons déjà vu, à Minsk par exemple", a estimé jeudi Mme Kallas, pour qui rien ne peut se négocier "dans le dos" de l'Europe ou des Ukrainiens, sous peine d'"échec".
Les accords de Minsk conclus il y a dix ans avaient abouti à un cessez-le-feu en Ukraine, rompu à maintes reprises, jusqu'à l'invasion de ce pays par la Russie en février 2022. Le chancelier allemand Olaf Scholz a dit de son côté refuser une "paix imposée" à Kiev.
Faisant écho à la réaction de Berlin, Mme Kallas a également critiqué la stratégie de négociation du président Trump, comme l'avait fait auparavant le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius. "Pourquoi leur donnons-nous tout ce qu'ils veulent avant même que les négociations aient commencé ?", a-t-elle ainsi interrogé.
Des incertitudes du côté ukrainien
Parmi différentes lignes rouges présentées par l'administration Trump mercredi, les Etats-Unis ont déclaré qu'une adhésion de l'Ukraine à l'Otan n'était pas réaliste, tout comme un retour de ce pays à ses frontières d'avant 2014, c'est-à-dire avec la Crimée, annexée cette année-là par Moscou. Les Américains ont aussi jugé qu'il appartenait désormais aux Européens d'assurer l'essentiel du soutien à Kiev.
Autant d'annonces qui ont provoqué la satisfaction des dirigeants russes, pressés de vouloir élargir la discussion à la "sécurité en Europe". Le Kremlin souhaite, au-delà de l'Ukraine, un "débat approfondi" sur "la sécurité sur le continent européen" dans son ensemble et les "préoccupations liées à la sécurité" de la Russie, a ainsi affirmé son porte-parole Dmitri Peskov.
En revanche, dans le camp ukrainien, la prudence est de mise, dans un contexte de fortes incertitudes. "Là maintenant, le message est que nous continuons. Nous sommes forts, nous sommes capables", a affirmé, de Bruxelles, le ministre ukrainien de la Défense Roustem Oumarov, sans toutefois donner davantage de détails.
A Moscou, un ancien combattant russe, interrogé par l'AFP, pense le contraire, résumant à sa façon la situation : "Nous gagnerons, c'est clair. Tôt ou tard, les Ukrainiens se rendront", tranche-t-il car "l'Europe les a en quelque sorte abandonnés" et "Trump est agacé parce qu'il ne veut pas les parrainer davantage".
Trump est le "meilleur négociateur de la planète", estime Pete Hegseth
L'annonce de l'ouverture "immédiate" de négociations de paix sur l'Ukraine, et le discours de vérité du nouveau secrétaire américain à la Défense, exigeant des Européens qu'ils se prennent en main, a eu l'effet d'un coup de tonnerre au siège de l'Alliance.
"C'est un grand moment de vérité" pour l'avenir de l'Otan, a ainsi estimé le ministre français de la Défense Sébastien Lecornu. "On dit que c'est l'alliance militaire la plus importante, la plus robuste de l'histoire. C'est historiquement vrai, la vraie question c'est : est-ce que, dans 10 ou 15 ans, c'est toujours le cas ? ", a-t-il ajouté.
Balayant ces doutes, Pete Hegseth a assuré jeudi que Donald Trump était le "meilleur négociateur de la planète" et le seul capable d'assurer une paix "durable" en Ukraine. Pour Frédéric Encel, maître de conférence à Sciences Po Paris, "c'est un cas de figure extrêmement classique", qui renvoie à l'époque de la Guerre froide.
"Moscou et Washington, à la fin des fins, lorsqu'il y avait conflit, lorsqu'il y avait tension, réglaient de manière systématique la question entre eux", a-t-il expliqué à l'AFP. Dans ce contexte, "les Européens, tant qu'ils ne constitueront pas un pôle de puissance, (...), ne compteront pas pour grand-chose".