Le président russe Vladimir Poutine a une nouvelle fois vanté jeudi la puissance de l'Orechnik, son missile hypersonique dernière génération conçu pour porter des têtes nucléaires, utilisé pour la première fois en Ukraine la semaine dernière. L'utilisation de cet armement - sans tête nucléaire - avait été présentée comme une réponse aux récentes attaques ukrainiennes menées contre la Russie avec des missiles américains et britanniques ATACMS et Storm Shadow.
Vladimir Poutine ne l'a en revanche pas utilisé de nouveau jeudi, contrairement aux menaces qu'il avait formulées la semaine dernière et malgré les nouvelles frappes ukrainiennes avec des missiles occidentaux ces derniers jours. Il a toutefois affirmé que sa production en série avait "débuté". Voici ce que l'on sait de ce missile expérimental, dont le nom signifie "noisetier" en russe.
Atteindre des cibles entre 3.000 et 5.500 km
Selon Vladimir Poutine, il s'agit d'un missile balistique "à portée intermédiaire", qui peut atteindre des cibles comprises entre 3.000 et 5.500 km. Une source haut placée au sein de l'état-major ukrainien a affirmé que la Russie n'en possède que "quelques unités". D'après Vladimir Poutine, le tir du 21 novembre était un essai en condition de combat, sous-entendant donc que cette arme est encore en développement.
L'Orechnik n'entre donc pas dans la catégorie des missiles intercontinentaux (d'une portée de plus de 5.500 km). Mais, s'il était tiré depuis l'Extrême-Orient russe, il pourrait théoriquement toucher des cibles sur la côte ouest des États-Unis. "L'Orechnik peut (également) menacer la quasi-totalité de l'Europe", a relevé Pavel Podvig, chercheur à l'Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement (Unidir) à Genève (Suisse), dans un entretien au média Ostorozhno Novosti.
>> LIRE AUSSI - Guerre en Ukraine : bombardiers lourds, torpilles Poséidon... L'arsenal nucléaire russe se modernise
Jusqu'en 2019, la Russie et les États-Unis ne pouvaient mettre en service de tels missiles, en vertu du traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI) signé en 1987 pendant la Guerre froide. Mais en 2019, le président américain Donald Trump avait retiré Washington de ce texte, accusant Moscou de le violer, ce qui ouvrait la voie à une nouvelle course aux armements.
Une réserve de missiles Orechnik "prêts à l'emploi"
Le 22 novembre, lors d'une réunion télévisée avec des responsables militaires, Vladimir Poutine a assuré que Moscou avait une réserve de ces missiles "prêts à l'emploi". Le commandant des forces russes de missiles stratégiques, Sergueï Karakaïev, a affirmé que "l'usage massif" de ce missile "serait comparable à l'emploi d'une arme nucléaire". Selon Sergueï Karakaïev, il a été élaboré après un ordre donné par Vladimir Poutine en juillet 2023.
L'Orechnik "est basé sur le modèle russe de missile balistique intercontinental RS-26 Roubej", lui-même dérivé du "RS-24 Iars", a expliqué la porte-parole adjointe du Pentagone, Sabrina Singh. Le programme d'armement du RS-26 Roubej, dont le premier test réussi remontait à 2012, avait été gelé en 2018, d'après l'agence d'État russe TASS, faute de moyens pour mener "simultanément" ce projet avec le développement des systèmes hypersoniques nouvelle génération Avangard, censés pouvoir atteindre une cible quasiment partout dans le monde.
Une vitesse de 3 km par seconde
Selon Vladimir Poutine, le missile Orechnik, tiré le 21 novembre sans charge nucléaire, peut atteindre la vitesse de Mach 10, "soit 2,5 à 3 kilomètres par seconde" (environ 12.350 km/h). D'après le renseignement militaire ukrainien (GUR), la vitesse atteinte par le missile "sur la partie finale de la trajectoire" était "supérieure à 11 Mach" (environ 13.600 km/h).
"La température des éléments percutants atteint 4.000 degrés", s'est vanté jeudi Vladimir Poutine, soit presque autant selon lui qu'"à la surface du soleil", entre "5.500 et 6.000 degrés". "Des centres de prise de décision à Kiev" pourraient être la cible de futurs tirs d'Orechnik, a-t-il ajouté. Enfin, l'Orechnik serait aussi muni de charges manœuvrantes, ce qui accroîtrait encore la difficulté d'interception.
>> LIRE AUSSI - Ukraine : qu'est-ce que le SBIRS, l'atout des États-Unis pour tout savoir sur les lancements de missiles ?
"Les systèmes de défense aérienne actuellement disponibles dans le monde et les systèmes de défense antimissile créés par les Américains en Europe n'interceptent pas ces missiles. Ceci est exclu", a affirmé Vladimir Poutine.
L'Ukraine demande de nouveaux systèmes antiaériens
L'Ukraine a demandé aux Occidentaux de lui fournir de nouveaux systèmes antiaériens de dernière génération. Les Ukrainiens ont identifié certains des nouveaux systèmes qui leur permettraient toutefois de les contrer, a indiqué un diplomate de l'Otan mardi.
Une vidéo du tir russe du 21 novembre, diffusée sur les réseaux sociaux, montrait six puissants flashs successifs tombant du ciel au moment de l'attaque, signe, d'après le GUR ukrainien, que le missile "était équipé de six ogives". Cette configuration consiste à équiper un missile de plusieurs têtes, nucléaires ou conventionnelles, qui suivent chacune une trajectoire indépendante lors de leur entrée dans l'atmosphère.