Un ton martial, une longue diatribe contre les Occidentaux qui seraient "responsables de l'escalade du conflit en Ukraine" et au milieu de tout ça, une annonce qui interpelle. Ce mardi, lors d'un long discours prononcé au palais des congrès de Moscou devant l'élite politique russe, à trois jours du premier anniversaire de la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine a annoncé la suspension de la participation de Moscou au traité New Start.
Conclu le 8 avril 2010 à Prague entre l'ex-président américain Barack Obama et l'ancien chef du Kremlin Dmitri Medvedev, cet accord bilatéral prévoit une limitation de l'arsenal nucléaire des deux géants en la matière. Succédant au traité Start I, ratifié en 1993 et à l'accord Sort, signé en 2002, New Start limite le déploiement d'ogives nucléaires à 1.550 pour Moscou et Washington, ce qui représente une diminution de 30% par rapport à la précédente restriction fixée en 2002. L'accord limite aussi à 800 le nombre de lanceurs et bombardiers lourds de part et d'autre. Il prévoit enfin divers examens mutuels des sites militaires, afin de veiller au bon respect du traité.
La suite logique de la dégradation des relations entre Moscou et Washington
De façon unilatérale, Vladimir Poutine a donc décidé de se décharger de ces obligations, tout en appelant les autorités russes à se tenir "prêtes pour des tests d'armes nucléaires" dans le cas où Washington en réaliserait de son côté. "Cette annonce s'inscrit très nettement dans une dégradation des relations entre les États-Unis et la Russie. Le contrôle des armements en est une victime silencieuse mais très présente", décrypte auprès d'Europe 1 Héloïse Fayet, coordinatrice du programme Dissuasion et prolifération à l'Institut français des relations internationales (IFRI).
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La non-prolifération des armes nucléaires représentait en effet l'un des derniers canaux de communication entre Moscou et Washington sur lequel les deux parties échangeaient régulièrement des informations. "Il reste tout de même deux accords, l'un signé en 1988 ainsi que le code de conduite de La Haye. Des informations sont susceptibles de s'échanger sur le risque nucléaire mais ces deux accords ne sont pas aussi engageants sur le plan normatif que New Start", rappelle Héloïse Fayet.
En août dernier, le maître du Kremlin avait déjà suspendu les inspections américaines sur ses sites militaires. "Vladimir Poutine affirmait que les inspecteurs russes ne pouvaient plus se rendre aux États-Unis", détaille la chercheuse. Ce que Washington avait alors démenti. En suspendant ce mardi sa participation à l'accord New Start, Moscou franchit donc une ligne supplémentaire, non sans conséquence. "Lorsque les États-Unis et la Russie se livrent à des exercices qui impliquent leurs forces stratégiques, ils sont normalement obligés de s'avertir mutuellement. Donc si la Russie ne notifie plus le moindre tir, les Américains n'auront aucun moyen de savoir s'il s'agit ou non d'un exercice", souligne Héloïse Fayet.
"Cette décision ne prépare en rien l'utilisation de l'arme nucléaire sur le sol ukrainien"
Si cette suspension n'équivaut pas à un retrait total de l'accord, "elle porte un coup très dur à l'architecture internationale de maîtrise des armements et montre que Vladimir Poutine souhaite construire sa propre architecture qui lui serait plus favorable", estime la chercheuse. Pour autant, en l'état actuel des choses, il n'apparaît pas nécessaire de sombrer dans le catastrophisme. "Je ne pense pas qu'on assistera à un développement de l'arsenal russe. Cela prendrait beaucoup de temps et impliquerait un développement similaire côté américain. Or ce n'est pas ce que souhaitent les Russes", soutient Héloïse Fayet. Ce mardi soir, Moscou a d'ailleurs promis qu'il continuerait à respecter les limitations prévues par l'accord.
Enfin, s'agissant de la guerre en Ukraine, la chercheuse refuse de croire à une escalade significative. "Cette décision ne prépare en rien l'utilisation de l'arme nucléaire sur le sol ukrainien. Ce ne sont pas les mêmes armes, cela n'a rien à voir", rassure-t-elle.