Un tribunal d'appel américain a statué mercredi en faveur du rétablissement de restrictions d'accès à la pilule abortive, une décision fustigée par l'administration Biden qui la conteste devant la Cour suprême. Cet arrêt, s'il était confirmé par la plus haute juridiction du pays, se traduirait par un retour à une limite de sept semaines de grossesse au lieu de dix, une interdiction de l'envoi de la pilule abortive par la poste, et le rétablissement de l'obligation de prescription exclusivement par un médecin.
La décision fait suite à une audience tenue en mai devant la cour d'appel située à la Nouvelle-Orléans (sud-est) sur l'accès à la mifépristone (RU 486) qui, combinée à un autre cachet, a été utilisée par 5,6 millions de femmes depuis son agrément par l'Agence américaine du médicament (FDA) en 2000. Elle porte sur la suspension en avril, par un tribunal fédéral de première instance, de l'autorisation de mise sur le marché de la mifépristone, évoquant - malgré le consensus scientifique - des risques pour la santé des femmes.
"Retour en arrière considérable" si la décision est confirmée
L'administration du président démocrate Joe Biden avait fait appel en urgence et la Cour suprême avait rétabli l'agrément de cette pilule, le temps que la procédure se poursuive. La cour d'appel se prononce en faveur du maintien de l'autorisation de la pilule en 2000 et du générique en 2019 mais fait droit à une partie des demandes des plaignants, des associations de médecins ou des praticiens hostiles à l'avortement, en confirmant la suspension des assouplissements d'accès décidés par la FDA depuis 2016.
"Le Mifeprex restera disponible sous les restrictions en vigueur avant 2016", tout comme le générique de la mifépristone, affirment les juges, tout en soulignant que leur décision n'aura aucune conséquence pratique tant que la Cour suprême ne se sera pas prononcée dans un sens ou dans l'autre.
Mais si cette décision était confirmée, "cela marquerait un retour en arrière considérable pour les femmes de chaque État (américain) dans leur capacité de recevoir les soins dont elles ont besoin" et minerait "l'indépendance" de la FDA, a réagi en soirée la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre. Le département américain de la Justice contestera la décision du tribunal d'appel devant la Cour suprême, a confirmé cette responsable, en dénonçant des "attaques sans précédent sur la santé des femmes".
"Panique" et "confusion"
Le 24 juin 2022, la Cour suprême, à majorité conservatrice à la suite des nominations décidées sous la présidence de Donald Trump, a annulé son arrêt Roe v. Wade qui garantissait depuis 1973 le droit constitutionnel des Américaines à avorter, et a rendu à chaque État sa liberté de légiférer en la matière.
Depuis, le pays est fracturé entre la vingtaine d'États ayant interdit ou strictement restreint l'accès à l'avortement, principalement situés dans le sud et le centre du pays, et ceux des côtes qui ont adopté de nouvelles garanties.
"Cette décision, si elle entre en vigueur, pourrait mettre en péril tout le système d'approbation des médicaments de la FDA et semer la panique et la confusion parmi les patients", a réagi dans un communiqué l'ONG Center for Reproductive Rights (Centre pour les droits reproductifs), soulignant l'existence d'un "consensus scientifique sur la sûreté et l'efficacité" du mifépristone.
L'organisation anti-avortement Susan B. Anthony s'est au contraire félicitée de cet arrêt de la cour d'appel. "La FDA avait ignoré la science et ses propres règles en validant les yeux fermés le plan inconsidéré d'avortement par correspondance des Démocrates", a-t-elle affirmé dans un communiqué.
Dans ses motivations, la cour d'appel qualifie de "probablement arbitraire" la décision de la FDA d'approuver une série d'allègements de l'accès à la mifépristone sans suffisamment en étudier, selon elle, les "effets cumulatifs" sur la santé.