La Commission européenne a décidé mercredi de durcir son mécanisme de contrôle des exportations de vaccins anti-Covid produits dans l'UE, afin de "garantir" les approvisionnements des Vingt-Sept face à la troisième vague de la pandémie. Alors que l'UE "continue d'exporter des volumes importants vers des pays" produisant leurs propres vaccins où la vaccination est plus avancée, "nous avons adopté deux ajustements au mécanisme actuel" pour "résoudre ces déséquilibres", a déclaré le vice-président de l'exécutif européen Valdis Dombrovskis.
Vers un objectif de "réciprocité"
Un dispositif en place par Bruxelles fin janvier prévoyait déjà, avant toute exportation de vaccins, le feu vert de l'Etat membre d'où partent les doses et de la Commission. Quelque 300 autorisations ont été délivrées depuis, pour envoyer 40 millions de doses vers 33 pays, avec un unique refus, pour une livraison d'AstraZeneca à destination de l'Australie, depuis l'Italie. L'exécutif européen entend durcir les conditions d'exportation vers les pays qui produisent eux-mêmes des vaccins anti-Covid sans en envoyer en retour vers l'UE.
Dans son texte de règlement révisé, la Commission constate que certains pays tiers bloquent les exportations de doses vers l'UE "soit par la loi, soit par des arrangements contractuels ou autres, conclus avec des fabricants de vaccins". Un objectif de "réciprocité" que Bruxelles entend opposer à Londres. L'UE a exporté quelque 10 millions de doses, tous vaccins confondus, vers le Royaume-Uni entre le 1er février et mi-mars, mais à l'inverse, elle n'a reçu aucune dose produite sur le sol britannique. Pourtant, le contrat signé par AstraZeneca prévoyait la livraison de doses produites dans deux usines au Royaume-Uni.
"Les Etats membres devront refuser les exportations" vers les pays où la vaccination est déjà importante
De même, l'UE continue d'envoyer des doses vers des pays ne produisant pas de vaccins mais dont les populations sont déjà largement vaccinées ou bénéficient d'une meilleure situation épidémiologique, observe la Commission. Dans ce cas, "les Etats membres devront donc refuser les exportations en conséquence", selon le règlement révisé. Et alors que le mécanisme de contrôle prévoyait jusqu'alors des exceptions pour des dizaines de destinations (pays à bas revenus, certains Etats voisins de l'UE), toutes ces exemptions sont suspendues, en dehors d'une poignée de micro-Etats comme Saint-Marin, Andorre et les Îles Féroé.
Le dispositif révisé impose un examen de la quasi-totalité des exportations, pour éviter qu'une entreprise "contourne" une interdiction, en faisant transiter par un autre pays les doses bloquées par l'UE, a précisé une source européenne. De quoi renforcer la pression sur AstraZeneca: la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait menacé samedi de bloquer les exportations du laboratoire suédo-britannique si l'UE ne recevait pas d'abord les approvisionnements promis.
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Les 27 divisés sur le durcissement des contrôles
AstraZeneca prévoit de livrer au deuxième trimestre 70 millions de doses aux Européens, contre 180 millions prévues dans le contrat signé avec l'UE, après n'avoir assuré qu'un tiers des livraisons promises au premier trimestre. Or, la presse italienne rapportait mardi la découverte récente d'un stock de 29 millions de doses d'AstraZeneca sur un site de finition en Italie, ce qui alimente la défiance des Européens.
Le durcissement du contrôle des exportations divise les Vingt-Sept. La France et l'Allemagne y sont favorables, comme l'Italie de Mario Draghi qui a appelé mercredi à "utiliser pleinement" le mécanisme et à exiger des laboratoires qu'ils "honorent en totalité leurs engagements contractuels". A l'inverse, Belgique et Pays-Bas, où l'industrie pharmaceutique est très présente, s'alarment de possibles mesures de rétorsion ailleurs dans le monde, susceptibles d'entraver les chaînes d'approvisionnements pour la production de vaccins. De son côté, Dublin s'est dit farouchement opposé à tout "blocage" complet des exportations.