S'il fallait une énième preuve qu'en matière de politique étrangère, l'Union européenne est loin de faire bloc, la question vénézuélienne en est une accablante. Depuis le début de la crise qui secoue le pays latino-américain, les 28 États membres n'ont pas su parler d'une seule voix. Et Federica Mogherini, haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, n'a pu qu'enchaîner les déclarations très prudentes pour ne froisser personne. Car si sept pays parmi les plus puissants, notamment la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Espagne, ont appelé Nicolas Maduro à organiser très rapidement une nouvelle élection, d'autres restent fidèles au président vénézuélien. Ils rejoignent en cela les géants que sont la Chine et la Russie, dont le soutien relève surtout de calculs géopolitiques.
En Europe, la Grèce isolée
La Grèce est, en Europe, le seul État qui soutient ouvertement Nicolas Maduro. Trois capitales (Madrid, Berlin, Paris) ont reconnu lundi à son opposant, Juan Guaido, la légitimité de gouverner par intérim. Quatre autres (Londres, Vienne, Amsterdam et Lisbonne) devraient les rejoindre. La plupart des autres États membres de l'UE prônent un principe de non-ingérence. Mais Athènes, de son côté, garde une fidélité de gauche pour le président vénézuélien. Par la voix de son secrétaire, Panos Skourletis, le parti Syriza du président grec, Alexis Tsipras, a "exprimé son soutien entier et sa solidarité avec le président légitime de la République bolivarienne du Venezuela, Nicolas Maduro". Juan Guaido avait pourtant invité Alexis Tsipras à passer une semaine au Venezuela pour y constater les difficultés de la population. Visiblement en vain.
En Italie, la situation est plus compliquée. Car si la Ligue de Matteo Salvini n'a aucune accointance avec Nicolas Maduro, son allié au gouvernement, le mouvement cinq étoiles (M5S) a, lui, refusé de reconnaître une quelconque légitimité à Juan Guaido, arguant qu'il n'avait "pas été élu par le peuple".
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Aux portes de l'Europe, la Turquie est aussi un soutien sans faille de Nicolas Maduro, qui partage avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, le même style autoritaire. "Ils n'ont de cesse de surveiller leur population, d'accroître leur pouvoir et de le montrer au reste du monde", explique ainsi Evren Celik Wiltse, politologue à l'université du Dakota du Sud, à CNN. Les liens sont à la fois économiques, avec des échanges d'or (depuis le Venezuela) et de nourriture (depuis la Turquie), et politiques, puisque cela permet à Nicolas Maduro de conserver un allié au sein de l'OTAN.
La Chine et la Russie, des intérêts financiers et politiques
Deux mastodontes soutiennent encore Nicolas Maduro : la Chine et la Russie. Pékin est le principal créancier du Venezuela, qui a envers lui 20 milliards de dollars de dette, censés être remboursés en pétrole. En septembre dernier encore, la Chine volait au secours du pays latino-américain avec un nouveau prêt de 5 milliards de dollars pour renflouer ses caisses. Pékin n'a donc aucun intérêt à ce que le gouvernement change, une instabilité politique pouvant remettre en cause les accords passés précédemment.
Du côté de la Russie aussi, l'enjeu est grand, puisque c'est le deuxième créancier du Venezuela. Moscou a également développé une coopération en matière de défense. En décembre, deux bombardiers stratégiques et une centaine de militaires russes avaient été envoyés au Venezuela pour des manœuvres conjointes. Ce qui avait d'ailleurs fait grincer sévèrement les dents de Washington, qui y a vu une menace potentielle de Vladimir Poutine devant ses portes.
Notre soutien et solidarité au président Nicolas Maduro devant les tentatives impérialistes pour discréditer et déstabiliser la Révolution bolivarienne.
Il est de fait impossible de comprendre les liens entre Moscou et Caracas sans prendre en compte les rapports très tendus de la Russie et des Etats-Unis. Le soutien de Vladimir Poutine à Nicolas Maduro est au moins autant motivé par la coopération que tous deux entretiennent que par le fait que Washington, de son côté, s'est empressé de fustiger le président vénézuélien et d'appeler à son départ. L'ambassadeur russe à l'ONU, Vassily Nebenzia, a accusé Washington d'"orchestrer une tentative de coup d'État". Des "jeux sales" pour "déstabiliser" l'Amérique latine, selon lui. D'après l'agence de presse Reuters, des agents de sécurité privée russes, qui participent à des opérations militaires à l'étranger pour le compte du Kremlin, sont arrivés ces derniers jours à Caracas pour renforcer la sécurité de Nicolas Maduro.
Les affinités cubaines et boliviennes
En Amérique latine, Cuba et la Bolivie sont les deux grands soutiens de Nicolas Maduro. "Notre soutien et solidarité au président Nicolas Maduro devant les tentatives impérialistes pour discréditer et déstabiliser la Révolution bolivarienne", a écrit sur Twitter le président cubain, Miguel Diaz-Canel. Un message qui laisse deviner les deux principales raisons de cet appui. D'une part, il s'agit d'affinités politiques entre deux régimes de gauche. D'autre part, de faire front contre l'ennemi commun que représente Washington.
Les mêmes ressorts animent le soutien d'Evo Morales, président bolivien. Celui-ci s'est même rendu au Venezuela vendredi. "Nous désignons les États-Unis comme coupables d'avoir promu un coup d'État et un affrontement fratricide entre Vénézuéliens. En démocratie, ce sont les peuples libres qui élisent leur président, pas l'empire", a déclaré sur Twitter celui qui n'hésite pas à désigner Nicolas Maduro comme son "frère".