La lutte pour le pouvoir au Venezuela connaît un épisode crucial samedi, jour J fixé par l'opposant Juan Guaidopour faire entrer l'aide humanitaire stockée à la frontière colombienne, bouclée par l'armée fidèle au régime de Nicolas Maduro. Juan Guaido, qu'une cinquantaine de pays ont reconnu comme président par intérim, a défié le leader chaviste vendredi, en bravant un ordre judiciaire lui interdisant de quitter le territoire et en affirmant que l'armée, pilier du régime chaviste, avait "participé" à l'opération.
La frontière avec la Colombie fermée. Dans la soirée, Caracas a décrété la fermeture de la frontière dans l'Etat de Tachira (ouest), voisin de la ville colombienne de Cucuta d'où le jeune opposant de 35 ans entend diriger les livraisons d'aide. Guaido, qui avait quitté la capitale jeudi dans un convoi de véhicules aux vitres fumées, est passé en Colombie à la veille de la date qu'il a déterminée pour l'entrée des dizaines de tonnes d'aliments et de médicaments accumulées depuis le 7 février dans des entrepôts de Cucuta.
"La question est comment nous sommes arrivés ici alors qu'ils ont interdit l'espace aérien, tout type de traversée maritime, barré les routes (...) Nous sommes là précisément parce que les forces armées ont aussi participé à ce processus", a-t-il affirmé, au côté des présidents de Colombie, du Chili, du Paraguay et du secrétaire général de l'Organisation des Etats américains (OEA).
Le rôle crucial de l'armée vénézuélienne. Poing levé et chemise blanche, Guaido a causé la surprise en apparaissant au "Venezuela Aid Live", peu avant la fin de ce concert de plus de sept heures, organisé à Cucuta par le milliardaire britannique Richard Branson. Le fondateur de Virgin compte récolter 100 millions de dollars en 60 jours par internet pour le Venezuela en crise, qu'ont fui 2,7 millions de personnes depuis 2015, selon l'ONU.
L'opposant a ajouté que la Garde nationale bolivarienne du régime chaviste avait joué un rôle décisif. Il n'a pas précisé quand, ni comment il comptait regagner le Venezuela, où il risque d'être arrêté pour avoir violé l'interdiction de sortie décrétée par la justice fidèle au régime. Le rôle que choisiront de jouer les militaires samedi devrait être déterminant. Nicolas Maduro leur a ordonné de ne pas laisser entrer l'aide, envoyée notamment des Etats-Unis à l'appel de son adversaire. Mais la Maison-Blanche a condamné "énergiquement l'usage de la force" par l'armée vénézuélienne contre des civils, en réagissant à la mort de deux personnes qui tentaient de garder la frontière ouverte au passage d'une autre partie de l'aide stockée au Brésil.
"Nous décrétons l'ouverture de toutes les frontières samedi". "Nous décrétons l'ouverture de toutes les frontières demain" samedi, a lancé Guaido, chef du parlement dominé par l'opposition à Maduro, qui a succédé au défunt Hugo Chavez (1999-2013) mais dont la réélection est jugée frauduleuse par ses adversaires. Dans la même ligne, le président colombien Ivan Duque, qui condamne "la dictature" de Maduro, et son homologue chilien Sebastian Piñera ont appelé les militaires à passer du "juste côté de l'histoire" et à permettre l'entrée de l'aide.
La vice-présidente vénézuélienne Delcy Rodriguez a annoncé ensuite la fermeture temporaire de trois ponts reliant les deux pays, "en raison des menaces sérieuses et illégales proférées par le gouvernement de Colombie contre la paix et la souveraineté du Venezuela". Guaido a invité les Vénézuéliens à se mobiliser samedi pour réclamer l'aide visant à pallier les pénuries dans leur pays miné par l'hyperinflation. "Demain 23 février, un mois après avoir assumé la charge de président par intérim, tout le peuple du Venezuela sera dans la rue pour exiger l'entrée de l'aide humanitaire", a-t-il assuré.
Maduro appelle à une manifestation. Maduro a aussi appelé les Vénézuéliens à manifester samedi, alors que le régime organisait un contre-concert intitulé "Hands off Venezuela" (Pas touche au Venezuela). Prévu sur trois jours, il a été lancé vendredi de l'autre côté du pont international de Tienditas, qui relie Cucuta à Ureña. D'importantes forces de sécurité surveillaient ce site que l'armée bloque depuis deux semaines avec des conteneurs.
Maduro estime que l'envoi de l'aide précède une intervention armée de Washington pour l'évincer du pouvoir. Une version reprise par la Russie, qui le soutient et a accusé le gouvernement américain d'user d'un "prétexte pour une action militaire". Le représentant spécial des Etats-Unis pour le Venezuela, Elliot Abrams, arrivé vendredi à Cucuta à bord d'un cinquième avion d'aide, a affirmé que cette action se poursuivrait si rien ne change. Après la suspension des liaisons avec l'île néerlandaise de Curaçao, autre point de stockage de l'aide, Maduro avait ordonné jeudi la fermeture de la frontière terrestre avec le Brésil et menacé de fermer celle avec la Colombie, face aux "provocations" et "agressions" de Bogota et de Washington.