Les deux dirigeants rivaux du Venezuela, Nicolas Maduro et Juan Guaido, appellent leurs partisans à défiler samedi dans les rues du pays, plongé dans le chaos par une panne d'électricité sans précédent dont ils se rendent mutuellement responsables.
La quasi-totalité du pays dans l'obscurité. Journée de travail et cours suspendus, vols annulés, hôpitaux au ralenti, pillages, rues désertes : depuis jeudi 16h50 heure locale (21h50 en France), le Venezuela est en grande partie paralysé faute de courant. La panne touche Caracas et la quasi-totalité des 23 États du pays, qui s'apprêtait vendredi soir à passer une deuxième nuit dans l'obscurité.
"Le peu de nourriture salée que nous avions, on a dû le cuisiner pour qu'il ne tourne pas trop rapidement (avec la chaleur). On dort dehors, on n'a pas de réseau téléphonique, tous les magasins sont fermés. C'est le chaos", déclare à l'AFP Elena Bermudez, 31 ans. Le courant est revenu partiellement vendredi après-midi dans certains quartiers de Caracas avant d'être coupé à nouveau. Des concerts de casseroles ont résonné dans plusieurs secteurs de la ville.
Situation dramatique dans les hôpitaux. La distribution de l'eau dans les immeubles, assurée par des pompes électriques, a été interrompue, ainsi que le réseau téléphonique et Internet qui demeure très instable. Les hôpitaux connaissent une situation dramatique : ceux qui sont équipés de générateurs limitent le courant aux services d'urgence.
Devant un établissement de la capitale, José Lugo pleure sa nièce Marielsi Aray, morte à 25 ans à cause de la panne, les appareils respiratoires qui la maintenaient en vie ayant cessé de fonctionner. "Les médecins ont essayé de la ranimer manuellement, mais elle a décompensé et elle est morte à 2h00 ce matin", raconte-t-il à l'AFP.
"On ne peut pas recevoir plus de cadavres." À l'extérieur de la principale morgue de Caracas, une forte odeur de putréfaction imprègne l'air : les chambres froides ont cessé de fonctionner. Des familles attendent qu'on leur remette la dépouille de leur proche. "On ne peut pas recevoir plus de cadavres", affirme un employé sous couvert d'anonymat.
À l'aéroport international de Maiquetia, qui dessert Caracas, des centaines de personnes, dont beaucoup accompagnées de jeunes enfants, espèrent une reprise rapide des vols. "On est là depuis hier, sans manger et sans toilettes car elles sont fermées", a déclaré Maria, accompagnée de ses deux enfants de 8 et 13 ans.
"J'appelle tout le peuple vénézuélien a s'exprimer massivement dans la rue contre le régime usurpateur, corrompu et incapable qui a plongé notre pays dans l'obscurité", a écrit sur Twitter Juan Guaido, l'opposant autoproclamé président par intérim et reconnu par une cinquantaine de pays.
Accusations contre Washington. En face, Nicolas Maduro a également mobilisé il y a quelques jours ses partisans pour défiler contre l'"impérialisme". Le gouvernement, sous pression depuis des semaines, dénonce "la guerre impérialiste sur l'électricité". Le ministre de la Défense Vladimir Padrino a qualifié la panne d'"agression délibérée" des États-Unis et a annoncé un "déploiement" de l'armée sans plus de détails, lors d'une déclaration sur la télévision d'Etat VTV.
Le gouvernement vénézuélien a annoncé vendredi qu'il allait fournir à l'ONU "des preuves" d'une responsabilité de Washington dans la panne d'électricité géante. Ces informations seront remises à une délégation du Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme qui est attendue dans quelques jours à Caracas, a déclaré le ministre de la Communication, Jorge Rodriguez.
Corpoelec dénonce un "sabotage". L'origine de la coupure n'est pas encore connue. Des experts accusent le gouvernement socialiste de ne pas avoir investi pour entretenir les infrastructures alors que la crise économique fait rage. La compagnie vénézuélienne d'électricité Corpoelec a dénoncé un "sabotage" de la centrale hydroélectrique vénézuélienne de Guri, la plus importante du pays et l'une des principales d'Amérique latine.