Venue plaider la cause des Yazidis d'Irak auprès du maître de la Maison Blanche, la prix Nobel de la paix 2018 Nadia Murad s'est rendu compte mercredi à Washington que Donald Trump ne la connaissait pas vraiment, pas plus que son histoire ou celle de son peuple.
Nadia Murad, qui a fait partie des milliers de femmes et de petites filles yazidies enlevées et réduites à l'esclavage par le groupe Etat islamique (EI) lorsqu'il s'est emparé de pans entiers de l'Irak en 2014, se trouvait dans le Bureau ovale avec un groupe de personnes ayant survécu à la persécution religieuse, venues rencontrer Donald Trump en marge d'une grande rencontre au département d'Etat.
"Ils vous l'ont donné pour quelle raison ?"
Alors que Nadia Murad racontait comment sa mère et ses six frères avaient été tués et précisait que 3.000 Yazidis restaient portés disparus, le président américain lui a dit : "Et vous avez eu le prix Nobel ? C'est incroyable. Ils vous l'ont donné pour quelle raison ?" Après une courte pause, Nadia Murad, qui partage son Nobel avec le Congolais Denis Mukwege, a répété son histoire. "Après tout ce qui m'est arrivé, je n'ai pas baissé les bras. Je dis clairement à tout le monde que l'EI a violé des milliers de femmes yazidies", a-t-elle affirmé. "S'il vous plaît, faites quelque chose. Ça ne concerne pas qu'une seule famille", a-t-elle dit à l'adresse du président américain.
Le milliardaire républicain a aussi semblé ne pas maîtriser le sujet quand la jeune femme lui a demandé de presser les gouvernements irakien et kurde de créer les conditions nécessaires au retour des Yazidis chez eux. "Mais l'EI est parti et maintenant c'est les Kurdes et qui ?" a demandé Donald Trump. Avant de lui dire un peu plus tard : "Je connais très bien la région".
Une méconnaissance des dossiers internationaux ?
Le président américain ne semblait pas non plus familier des questions liées aux Rohingyas lorsqu'il a rencontré, à la même occasion, un représentant de cette minorité musulmane visée par une répression meurtrière il y a deux ans en Birmanie, assimilée par des enquêteurs de l'ONU à un "génocide". Pourtant, la veille, son administration avait annoncé des sanctions à l'encontre du chef de l'armée et de trois autres responsables militaires birmans pour le "nettoyage ethnique" des Rohingyas. Le gouvernement de M. Trump parle souvent de la nécessité de promouvoir la liberté religieuse, une affaire cruciale pour beaucoup au sein de ses partisans chrétiens évangéliques.