Ils y sont tous : Charb, Wolinski, Cabu et Tignous, Maurice et Patapon, les pépées et tous les autres survivants. Le nouveau numéro de Charlie Hebdo est dans les kiosques mercredi. Après la sanglante tuerie qui a coûté la vie à dix personnes de la rédaction et deux policiers, les survivants ont tenu à faire leur journal, abrités dans les locaux de Libération. Europe 1 vous donne un aperçu de ce que les dessinateurs et journalistes de l’hebdomadaire ont concocté pour le numéro 1178.
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"Nous les emmerdons". Dans toutes ses pages, Charlie parle de Charlie, de ce sombre 7 janvier 2015, quand deux hommes armés ont pénétré dans les locaux pour y faire un carnage. Dans son "apéro" (l’édito), Gérard Biard livre un point de vue un peu amer. "Ces dernières années, nous nous sommes sentis un peu seuls", écrit le rédacteur en chef, livrant son étonnement à découvrir tous les nouveaux amis de Charlie Hebdo. "Aujourd’hui, nous les prenons tous, nous n’avons pas le temps ni le cœur de faire le tri". Il remercie les véritables et "nous emmerdons les autres, qui de toute façon s’en foutent…"
Charlie rend un hommage sincère à toutes les autres victimes des attentats de la semaine précédente, mais surtout à "Franck (Brinsolaro, le policier qui protégeait Charb, ndlr.), qui est mort dans les locaux de Charlie, et tous ses collègues abattus au cours de cette semaine de barbarie sont morts pour défendre des idées qui, peut-être, n’étaient même pas les leurs".
Un message au pape. Mais surtout, Charlie formule un espoir, dans son apéro. Celui "qu’à partir de ce 7 janvier 2015 la défense ferme de la laïcité va aller de soi pour tout le monde", la "laïcité point final", comme l’écrit Gérard Biard. Car ce qui a fait le plus rire Charlie et ses dix morts, cette dernière semaine, "c’est que les cloches de Notre-Dame ont sonné en notre honneur". Gérard Biard insiste une dernière fois : "Nous voudrions envoyer un message au pape François, qui, lui aussi, ‘est Charlie’ cette semaine : nous n’acceptons que les cloches de Notre-Dame sonnent en notre honneur que lorsque ce sont les Femen qui les font tinter".
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Cannabis, Manuel Valls et libido. Le dessinateur Luz, qui a signé la Une, note les + et les – des "jours d’après". Il est question de cannabis, de Manuel Valls et de libido, au milieu d’une double-page centrale consacrée à l’immense marche de soutien qui a eu lieu à Paris, le 11 janvier.
"Nous piquer nos vierges". Cette semaine, comme toujours, Charlie est énervé et Charlie est drôle. Sur un dessin de Tignous, mort dans l’attaque, trois salafistes puants : "Il ne faut pas toucher aux gens de ‘Charlie Hebdo’", dit l’un, ajoutant "sinon, ils vont passer pour des martyrs et, une fois au paradis, ces enfoirés vont nous piquer toutes nos vierges". Les terroristes et les extrémistes sont sur toutes les pages. Riad Sattouff croque comme toujours ses jeunes et leur "vie secrète". Cette semaine, l’un deux martèle dans une conversation téléphonique : "Tu. Neu. Tchues. Pas. Dé. Gens."
Patrick Pelloux et Sigolène Vinson. Certains textes sont encore plus poignants, comme celui de Sigolène Vinson. La chroniqueuse parle de Lila, le cocker roux de la rédaction qui, lui aussi, a assisté au massacre et qui, comme la journaliste, "a été épargnée. Peut-être parce qu’elle est une femelle". Patrick Pelloux, urgentiste et chroniqueur de l'hebdo arrivé le premier sur les lieux du drame, fait aussi courir sa plume et rend hommage à ses anciens collègues. "Pleurer des yeux à faire reverdir les déserts avec les paysages le plus beaux. Pleurer de mon âme pour changer le cours des choses. Pleurer de mon corps pour en sortir une énergie si grande que… Quelle heure est-il ? Je vais jamais finir à temps pour le bouclage du journal et Charb va encore m’engueuler en disant : ‘Chouchou, travaille !’". Zineb, elle, se souvient de deux mots : "Allah akbar", "le cri de guerre de Charb, son salut dans ses mails et SMS : ‘Allah Akbar ! Tu crois que tu peux rendre ton papier d’ici demain ?'", écrivait le directeur de la publication.
Maurice et Patapon, le chien et le chat de Charb, sont là, dans leurs trois cases, mais aussi celles de Stouf le Skin, où ils "montrent leur trou du cul" une dernière fois peut-être. Et dans ce "Charlie normal", il y a aussi (bien sûr) les couvertures auxquelles vous avez échappées, alors que celle de cette semaine a été si douloureuse à dessiner. Pour la suivante, les journalistes se laissent un peu de temps. Prochain numéro : le 28 janvier.