Ce que veut TF1. "La gratuité est la seule voie d'avenir pour LCI." Lors d'une rencontre avec des journalistes spécialisés lundi, le PDG de TF1, Nonce Paolini, a réaffirmé sa volonté de rendre gratuitement accessible la chaîne d'information du groupe, actuellement payante. Il a même estimé que si ce passage au gratuit n'avait pas lieu, TF1 devrait fermer LCI. "Le choix du clair pour la chaîne n'est pas un choix mais une nécessité", a-t-il martelé.
Le CSA pourrait rebattre les cartes. Cette déclaration intervient dans le débat à un moment stratégique. Le Sénat examine mardi le projet de loi sur l'audiovisuel porté par la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. S'il est voté par le Parlement, ce texte donnera au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) le pouvoir de faire passer une chaîne de la TNT du payant au gratuit, en vertu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale en juillet. Une évolution qui ferait directement les affaires de TF1, bien décidée à demander ce transfert pour sa filiale LCI.
LCI, une chaîne malade. La Une argue donc que la gratuité est le seul moyen d'assurer la survie de LCI. Créée en 1994, cette chaîne d'information en continu souffre depuis 2005 de l'apparition de la TNT, qui permet aux téléspectateurs d'accéder gratuitement à ses deux concurrentes, BFMTV et i-Télé. Au premier semestre 2013, LCI stagnait à 0,2% de part d'audience, contre 2% pour BFMTV en août et 0,7% pour i-Télé. "On a l'impression de ne pas se battre à armes égales avec la concurrence", estimait la semaine dernière sur TVMag le journaliste Michel Field, qui anime la tranche 17h-20h de la chaîne. La situation économique s'en ressent : LCI affichait en 2012 un déficit d'exploitation de 7 millions d'euros.
La concurrence enrage. Mais les concurrents de la chaîne, farouchement opposés à ce passage au gratuit, ont à nouveau donné de la voix. C'est le cas d'Alain Weill, président du groupe NextRadioTV, propriétaire de BFMTV. "Ce n'est pas très honnête de faire du chantage aux sénateurs, alors que les conséquences négatives de la gestion de LCI ne viennent que des responsables du groupe", accuse-t-il dans une interview à Puremédias, estimant que "le marché ne peut pas supporter trois chaînes" d'information. Pour lui, "il y a un pacte politique avec le groupe TF1 pour leur rendre service dans cette affaire".
Mardi, BFMTV a réclamé le report du vote de "l'amendement LCI", comme l'ont surnommé les observateurs du secteur. "Il est indispensable que l'examen de cette disposition soit reporté au grand projet de loi audiovisuel attendu pour 2014, laissant ainsi le temps pour une évaluation précise des conséquences de la disposition et ouvrant la possibilité d'un vrai dialogue entre les parties prenantes", estime la chaîne dans un communiqué.
Le groupe Canal+, propriétaire de la chaîne i-Télé, elle-même à la peine, s'est lui aussi étonné auprès de l'AFP "du chantage exercé par TF1". Le passage de LCI au gratuit "mettra en péril les deux autres chaînes d'info tout juste à équilibre", selon Canal+, qui estime que "le marché publicitaire est déjà saturé". "D'un malade, on aurait ainsi trois mourants", assène le groupe, qui dénonce "un traitement de faveur" accordé à LCI, "alors que toutes les autres chaînes gratuites ont dû répondre à un appel à candidatures".
Filippetti se justifie. Invitée mardi sur Europe 1, Aurélie Filippetti a défendu le nouveau pouvoir octroyé au CSA par le projet de loi. "C'est important : des chaînes ont fait certains choix à une époque avec un paysage donné, ces éléments ont évolué depuis", a affirmé la ministre de la Culture. Sans pour autant se prononcer explicitement sur la nécessité d'un changement de statut de LCI : pour elle, c'est au CSA qu'il reviendra de "juger de la pertinence ou pas du passage du payant au gratuit".