"Lettre ouverte aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes". Ce livre au titre évocateur, l'ancien directeur de la publication de Charlie Hebdo venait de l'achever juste avant de trouver la mort dans la dramatique attaque du 7 janvier dernier. Dans les extraits de ce livre, publiés mercredi par le Nouvel Observateur, le dessinateur répond aux critiques régulièrement adressées à la rédaction du journal satirique et notamment celles d'islamophobie.
L'ère Sarkozy. Charb revient sur la "parole raciste", qu'il considère comme "largement libérée par Sarkozy et son débat sur l'identité nationale". Sans détour, le dessinateur pointe du doigt la responsabilité des gouvernants de l'ère Sarkozy qui ont contribué à faire le lit du racisme. "Lorsque la plus haute autorité de l'État s'adresse aux cons et aux salauds en leur disant : 'lâchez-vous, les gars', que croyez-vous que font les cons et les salauds ? Ils se mettent à dire publiquement ce qu'ils se contentaient, jusque-là, de beugler à la fin des repas de famille trop arrosés", écrit Charb dans son livre.
La responsabilité des médias. Charb revient aussi entre ces pages sur l'affaire des caricatures de Mahomet, publiées en 2006 par Charlie Hebdo. A l'époque, le magazine publie en Une un dessin du prophète avec le titre "Mahomet débordé par les intégristes" et qui se lamente : "C'est dur d'être aimé par des cons". Ce numéro reprend aussi les 12 dessins parus en 2005 dans le journal danois Jyllands-Posten, qui ont valu au quotidien d'être visé par des menaces d'islamistes. A ce sujet, Charb se montre intraitable avec les médias qu'il accuse directement d'avoir fait monter la polémique : "C'est parce que les médias ont décidé que la republication des caricatures de Mahomet ne pouvait que déclencher la fureur des musulmans, qu'elle a déclenché la colère de quelques associations musulmanes", accuse le dessinateur.
Les croyants. Charb n'épargne pas non plus les croyants qui lisent, estime-t-il, les textes saints au pied de la lettre. "Le problème, ce n'est ni le Coran ni la Bible, romans soporifiques, incohérents et mal écrits, mais le fidèle qui lit le Coran ou la Bible comme on lit la notice de montage d'une étagère Ikea."
L'"immortel racisme". "Non, l'islamophobie n'est pas le nouvel antisémitisme", écrit Charb avant d'ajouter : "Il n'y a pas de nouvel antisémitisme, il y a ce vieux, hideux et immortel racisme. Un racisme dont sont victimes des populations d'origine musulmane."
La gauche. La gauche en prend elle-aussi pour son grade. Charb dénonce notamment ce qu'il appelle "le paternalisme dégueulasse de l'intellectuel bourgeois blanc 'de gauche' qui cherche à exister auprès de 'pauvres malheureux sous-éduqués'." Certaines critiques contre Charlie Hebdo dénonçaient en effet un acharnement du journal contre l'islam. Charb répond très fermement à ces accusations par une nouvelle accusation, en réaffirmant au passage le principe de la liberté d'expression. "En vertu de quelle théorie tordue l'humour serait-il moins compatible avec l'islam qu'avec n'importe quelle autre religion ? (…) Si on laisse entendre qu'on peut rire de tout, sauf de certains aspects de l'islam parce que les musulmans sont beaucoup plus susceptibles que le reste de la population, que fait-on, sinon de la discrimination ?"
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