Plusieurs décennies avant Emmanuel Macron, il avait surpris en dépoussiérant la communication politique et en mettant en scène sa modernité et sa jeunesse dans les médias. Valéry Giscard d'Estaingest décédé mercredi soir à l'âge de 94 ans. Retour sur la relation complexe, parfois tendue, de l'homme politique avec les médias français.
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L'inventeur de la punchline
"VGE" était le premier président à avoir massivement joué des médias, inspirant à sa suite l'ensemble de la classe politique. Il avait compris avant tous ses concurrents le nouveau pouvoir de la télévision, dans des années 1970 où le petit écran gagne largement les foyers français.
Valéry Giscard d'Estaing a notamment marqué sa carrière politique et médiatique en mai 1974, avec son célèbre "Vous n'avez pas le monopole du cœur" adressé au candidat François Mitterrand. C’est le premier débat présidentiel télévisé en France, et le début des formules chocs dans cet exercice télé.
"C'est lui l'inventeur de la punchline", analyse Michaël Darmon, chef du service politique d'Europe 1. "Il y a eu 'Giscard à la barre', 'le monopole du cœur', 'la botte gagnante' entre les deux tours. Le 'monopole du cœur' lui vaudra sa victoire en 1974, c'est en tout cas ce que lui dira plus tard François Mitterrand."
La stratégie de l'image
Une fois élu, Valéry Giscard d'Estaing a multiplié les coups médiatiques pour mettre en scène sa politique et apparaître comme un réformateur moderne. À l'image, cette rupture avec l'ancienne classe politique débute dès son investiture en 1974.
"Il rentre à l'Elysée à pied, en costume de ville", explique Michaël Darmon. "Les Français comprennent par cette image que l'on rentre dans une ère de rupture : il n'est pas en queue-de-pie, il regarde le collier de la légion d'honneur que les présidents mettent d'habitue autour de leur cou. La photo dans la bibliothèque, c'est terminé aussi."
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Cet usage nouveau des médias continue le jour de Noël de la même année. Valéry Giscard d'Estaing reçoit des éboueurs à l'Elysée, prend le petit-déjeuner avec eux et leur offre quelques cadeaux. Il invite alors les médias pour qu'ils témoignent de ce repas qui avait surpris jusqu'aux éboueurs eux-mêmes.
Valéry Giscard d'Estaing utilisera également les médias pour se mettre en scène comme proche des Français, jouant au football ou de l'accordéon devant les caméras. Une petite révolution pour l'époque.
Des médias qui lui échappent parfois
Mais le premier maître de la punchline et de l'image s'est aussi pris les pieds dans le tapis des médias. Notamment en 19 mai 1981, deux jours avant de quitter l’Elysée, quand il adresse un dernier message aux Français. La scène, son "Au revoir" et son silence final, quand le président se lève, tourne le dos à la caméra et marche quelques secondes avant de sortir du champs, sont restés dans les esprits.
Cette image a souvent fait sourire, et l'ancien président s'en était expliqué au micro d'Europe 1 en 2011. Il était alors l'invité d'Arlette Chabot. "Je voulais visualiser mon départ, en me levant et en sortant. Je n'avais pas vu que la porte au fond de la salle était assez loin", explique-t-il. "Les gens y ont vu un départ un peu tragique et insistant. Mais ce n'était pas programmé."
L'ancien président de la République a aussi connu des moments tendus avec certains médias, notamment quand ceux-ci ont révélé des scandales d'Etat. Ce fut le cas en 1979, quand Le Canard Enchaîné a mis au jour l’affaire des diamants de Bokassa, ces pierres offertes à Valéry Giscard d'Estaing par l'ancien dictateur centrafricain. Une affaire politique et médiatique qui aurait joué un rôle crucial dans sa défaite en 1981.
Ce qui n'empêchera pas par la suite de conseiller certains politiques dans leur stratégie médiatique. "Il a dit à Nicolas Sarkozy 'Faites des réformes qui tiendront en une seule ligne, et dont on dira qu'il y a eu un avant et un après'. Valéry Giscard d’Estaing avait la hantise d'être oublié", explique ainsi Michaël Darmon.
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VGE, grand réformateur de l'audiovisuel
Au-delà de son usage novateur des médias, Valéry Giscard d’Estaing les a également profondément réformés. Dès le début de son mandat, il a pris des décisions très importantes pour l'audiovisuel, dont les conséquences se ressentent encore aujourd’hui. A la fin de l'année 1974, c’est lui qui supprime l’ORTF, ce symbole du contrôle de l'Etat sur les médias.
C’est à ce moment-là que naissent TF1, Antenne 2, FR3 ou encore Radio France et l'INA (l'Institut national de l'audiovisuel). Mais si l'ORTF est démantelée, le contrôle de l’Etat sur les programmes reste conséquent jusqu'en 1981, jusqu'à la libéralisation des ondes.
À noter qu'Europe 1 rediffusera jeudi après-midi l'épisode de Hondelatte raconte consacré à l’ancien président, VGE, le Macron des années 70. Il est d'ores et déjà disponible en podcast sur Europe1.fr.