Téléfoot va continuer à diffuser les matches de Ligue jusqu'au 23 décembre. 0:56
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Antoine Terrel avec AFP et Cyrille de la Morinerie , modifié à
La décision de la Ligue de football professionnel de mettre fin au contrat avec son diffuseur majeur Mediapro fait entrer le football français dans une période d'incertitudes. Qui sera le prochain diffuseur ? Quid des abonnés à Téléfoot ? De nombreuses questions restent en suspens. 
DÉCRYPTAGE

C'est la fin de deux mois de conflit autour des droits télévisés du championnat de France et le début d'une période d'incertitude pour le football français. La Ligue de football professionnel a décidé vendredi de mettre fin au contrat avec son diffuseur majeur Mediapro, et si la sortie du diffuseur sino-espagnol doit encore être validée par le tribunal de commerce de Nanterre, de nombreuses questions se posent d'ores et déjà.

Aussi bien sur l'identité du prochain diffuseur des rencontres de Ligue 1 et de Ligue 2 que sur l'équilibre économique des clubs français, ou encore sur les options des abonnés en quête de remboursement. Europe 1 fait le point. 

Les prochains matches seront-ils tout de même diffusés ? 

Pas de panique pour les amateurs de football, les écrans ne seront pas noirs lors de la prochaine journée. Téléfoot, la chaîne de Mediapro, a indiqué à l'AFP qu'elle continuerait de diffuser la Ligue 1 au moins jusqu'au 23 décembre, dans l'attente des futurs diffuseurs. Les matches de ce week-end, comptant pour la 14e journée de Ligue 1, seront donc bien diffusés. 

Ainsi, le match Saint-Etienne-Angers de vendredi soir (21h), comme le choc PSG-Lyon dimanche (21h), seront visibles sur Téléfoot. 

Qui va prendre sa suite ? 

Après le retentissant échec de Mediapro, la question qui est sur toutes les lèvres concerne bien évidemment l'identité du futur diffuseur majeur. Sans surprise, la plupart des regards se portent vers Canal+, le diffuseur historique du championnat de France. Mais le groupe reste discret, et son patron Maxime Saada avait déjà fait savoir dans Les Échos qu'il ne réinvestirait pas "à perte" dans le football. Contacté par l'AFP, Canal+ n'a pas donné suite. 

Reste que Canal+ n'a jamais caché son amour pour le championnat de France. Mercredi sur Europe 1, avant donc la décision de la LFP, le directeur des antennes et des programmes du groupe Gérald Brice-Viret assurait ainsi que Canal+ avait "pour objectif, bien sûr, de participer à la renaissance de la Ligue 1".

Selon L'Équipe, la chaîne cryptée pourrait formuler une proposition avoisinant les 590 millions d'euros. Mais le diffuseur historique du championnat, en position de force, joue la discrétion et la distance pour faire baisser les prix. 

Que peuvent faire les abonnés ? 

Si Mediapro n'a jamais été proche d'atteindre son ambitieux objectif de 3,5 millions d'abonnés, nécessaires à long terme pour rentabiliser son projet, Téléfoot a tout de même su convaincre 600.000 abonnés, selon les déclarations du patron catalan de Mediapro Jaume Roures au mois d'octobre. 

Mais pour ces abonnés bientôt privés des matches pour lesquels ils avaient souscrit à cette nouvelle offre, c'est désormais l'incertitude qui règne. Pourront-ils, par exemple, être remboursés ? Dans L'Équipe, Raphaël Bartlomé, responsable du service juridique de l'UFC Que choisir, assure que dans le cas d'un arrêt pur et simple par Téléfoot de la diffusion de ses programmes, "le code civil permet de suspendre les paiements. On peut prendre l'initiative de le faire sans passer par un juge". 

Par ailleurs, rappelle le quotidien sportif, le contrat d'abonnement à Téléfoot prévoit le remboursement "des sommes payées par l'abonné pour le reste de l'abonnement", "en cas de faillite, de cessation d'activité, ou de résiliation de la convention du CSA". Il est également possible de saisir la médiation des communications électroniques, si les remboursements se font trop attendre. 

La situation est plus complexe dans deux cas de figure. Tout d'abord, si Téléfoot continue de diffuser quelques programmes, même sans la Ligue 1. "Mais même si je me suis engagé pour X mois, on peut considérer qu'il y a une modification de leur offre", estime Raphaël Bartlomé dans L'Équipe. Enfin, que faire si l'abonné a souscrit à une offre via son opérateur ? Raphaël Bartlomé conseille "de rapidement s'en approcher et de le sensibiliser au fait que la prestation ne correspond pas à ce qui a été acheté". Et de conclure : "Négocier une réduction de prix parait compliqué, mais le plus simple est de demander à résilier".

La Ligue va-t-elle récupérer son argent ? 

Du côté de Mediapro, depuis sa décision de ne pas honorer son échéance en octobre, puis en décembre, la somme non versée s'élève désormais à environ 325 millions d'euros. Si les conditions précises de la sortie de Mediapro ne sont pas encore connues, selon un dirigeant de club de Ligue 1 auprès de l'AFP, la LFP a réussi à obtenir un dédommagement d'environ 100 millions d'euros de la part du diffuseur, dont quelque 30 millions d'euros sont différés à 2021.

Quelles conséquences pour les clubs ?

Déjà fragilisés par la crise sanitaire ainsi que la perte de revenus entraînée par l'absence de publics dans les stades, plusieurs clubs de Ligue 1 pourraient avoir du mal à encaisser la décote de plusieurs centaines de millions d'euros par an entraînée par le départ de Mediapro. En 2018, c'est en effet un contrat historique d'un montant de 1,217 milliard d'euros pour la Ligue 1 et la Ligue 2, dont plus de 800 pour Mediapro, qui avait été négocié. 

Du côté des acteurs du football français, on ne cache donc pas son inquiétude. L'entraîneur de Lyon Rudi Garcia a ainsi déploré une "double peine" et un "nouveau coup dur pour le football français". "On a non seulement pas touché la fin des droits TV que nous aurions dû toucher avec l'arrêt de la saison au printemps et, en plus, nous n'aurons pas le milliard pour lequel on s'était, peut-être, arrêté plus tôt pour commencer cette saison 20/21 dans les meilleures conditions", a-t-il regretté. Son homologue de l'OM, André Villas-Boas, a lui évoqué une "inquiétude sur la stabilité financière des clubs". 

Sur Europe 1, Vincent Chaudel, économiste du sport, prévient en effet que "les conséquences vont être multiples et très douloureuses pour le football français". "Il va être très difficile pour la Ligue de récupérer les sommes dues par Mediapro et de retrouver un équilibre financier avec d'autres prestataires, d'autres partenaires, pour retrouver le milliard et 150 million d'euros qui était attendu et budgétisé par l'ensemble des clubs de football".