L'initiative est inédite. Dans son numéro de mercredi, Charlie Hebdo publie "Lettre ouverte à nos concitoyens : Ensemble, défendons la liberté". Un texte, co-signé par une centaine de titres et de groupes de presse français, et adressé directement aux Français dans un contexte de menaces de la liberté d'expression. Les invités de Culture Médias Denis Carreaux (directeur des rédactions du groupe Nice-Matin) et Eric Chol (directeur de la rédaction de l’Express) expliquent les raisons de cette lettre ouverte, dont Europe 1 est signataire (vous pouvez la retrouver ici).
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Une forme inédite pour un contexte inédit
"Il n'est jamais arrivé que des médias, qui défendent souvent des points de vue divergents et dont le manifeste n'est pas la forme usuelle d’expression, décident ensemble de s'adresser à leurs publics et à leurs concitoyens d’une manière aussi solennelle. Si nous le faisons, c'est parce qu'il nous a paru crucial de vous alerter au sujet d'une des valeurs les plus fondamentales de notre démocratie : votre liberté d’expression." Les premières lignes de cette lettre ouverte insistent sur la nouveauté d'un manifeste aussi largement publié. Une dimension sans précédent qui s'explique par les menaces qui pèsent sur les médias français, alors que se tient le procès des attentats de janvier 2015.
"La forme est inédite parce que le contexte est inédit", résume dans Culture Médias le directeur des rédactions du groupe Nice-Matin Denis Carreaux. Selon lui, les menaces contre la liberté d'expression sont "plus nombreuses et plus répétées". "On a un climat de plus en plus délétère", observe-t-il, avant d'expliquer que sa propre rédaction a été gravement menacée à deux reprises ses 10 derniers jours. "La première était suite à un article sur un conflit de propriété. On a dit à la journaliste au téléphone : 'On sait qui vous êtes, on sait où vous habitez', explique-t-il. Pour la seconde, c'est la fille d'un caïd du grand banditisme qui a écrit à un journaliste pour le menacer physiquement."
Denis Carreaux cite également les menaces récentes contre Marika Bret, DRH de Charlie Hebdo, la violence croissante des réseaux sociaux, ainsi que les thèses complotistes qui chez les gilets jaunes ont mené à des agressions de journalistes. "Ce climat libère certains penchants, avec la crainte que la peur l'emporte et suscite l'auto-censure des journalistes", s'inquiète-t-il.
Un appel à la réaction collective
Eric Chol, directeur de la rédaction de L’Express, explique que c'est dans ce contexte que Charlie Hebdo a voulu rassembler les médias français. "On s'est retrouvé entre directeurs de journaux autour de Riss [directeur de publication de Charlie Hebdo], et l'on s'est dit qu'il fallait absolument adresser un texte aux Français", explique-t-il dans Culture Médias. "Cette initiative est tellement logique qu'on aurait dû la prendre plus tôt."
"Ce n'est pas une affaire de médias", indique Eric Chol. "Lorsqu'on met en cause la liberté d'expression, on met en cause l'ensemble des libertés." Selon lui, l'idée de ce texte est d'aller plus loin qu'un secteur professionnel pour "englober l'ensemble de la communauté nationale".