"Ce n'était pas d'un haut niveau, j'avais l'impression de regarder le Fouquet's et les faux-culs". Le ton est donné. Dans l'émission Culture Médias sur Europe 1, mardi, l'écrivain et critique de cinéma Éric Neuhoff a été invité à réagir à la crise des César. Une cérémonie qu'il dit avoir regardé "depuis sa télévision, puni comme chaque année."
En réécoutant un extrait de la soirée animée par l'humoriste Florence Foresti, l'écrivain ne cache pas son dépit. "J'imagine le tollé que ça aurait déclenché si un homme avait parlé comme ça d'une femme sur la scène des César..." songe-t-il avant de poursuivre, "je ne suis pas fan du film J'accuse, mais on ne parle pas de quelqu'un comme ça.
"Si on anime, on ne donne pas son avis
À contre-courant du mouvement suivi par des artistes qui se sont dit "écœurés" par le prix remis à Roman Polanski, Éric Neuhoff n'a pas hésité à critiquer ouvertement les diverses prises de position affichées ostensiblement durant la grand-messe du cinéma français. À commencer par celle de Florence Foresti qui a décidé de quitter le Salle Pleyel 15 minutes avant la fin de la cérémonie, "ce dont personne ne s'est aperçu, d'ailleurs", pointe le critique. Un départ prématuré navrant au vu de la somme empochée par la présentatrice. Un cachet de 120.000 euros révélé par Cyril Hanouna, lundi dans TPMP. "Je trouve ça très cher, surtout que le résultat n'était pas mirobolant", lâche Éric Neuhoff. "Si on anime, on ne donne pas son avis, on est neutre, on prend son chèque, et on remercie son agent."
"Ce sont des mauvais joueurs"
Au sortir de la cérémonie des César, puis les jours suivants, d'autres personnalités du cinéma français avaient, eux, défendu le prix de meilleur réalisateur obtenu par Roman Polanski, dénigrant le traitement qui lui a été réservé tout au long de la soirée. Fanny Ardant en première ligne. "Elle est courageuse parce que c'est une des rares à avoir osé dire ce qu'elle pense", estime Éric Neuhoff. Un avis défendu par l'acteur Lambert Wilson qui, sur Franceinfo avait même dit donner "une médaille à Fanny Ardant". Revenant, lui aussi, sur cette soirée éprouvante, il s'est dit choqué. "J'ai trouvé qu'on était minables".
"Il n'a pas tort, ce sont des mauvais joueurs", surenchérit Éric Neuhoff. "Quand on n'est pas d'accord avec les César, on dit qu'on ne veut pas être sélectionné ou on refuse le prix, mais on ne quitte pas la salle au péril de sa vie", ironise-t-il, laissant entendre qu'un tel geste n'a que peu de conséquences.
La tribune de Virginie Despentes ? "C'est un tract !"
Lundi, dans une tribune intitulée "Désormais, on se lève et on se barre" et publiée par Libération, l'écrivaine et réalisatrice Virignie Despentes écrivait : " que ça soit à l'Assemblée nationale ou dans la culture, vous, les puissants, vous exigez le respect entier et constant. Ca vaut pour le viol, les exactions de votre police, les César, votre réforme des retraites. En prime, il vous faut le silence de victimes."
"C'est un tract !", estime Éric Neuhoff. "Tout ce qui est excessif est insignifiant (...) on ne peut pas dire que c'est du viol : il y a 4.500 votants, on ne peut pas dire que ce sont 4.500 boss du capitalisme français qui votent", s'agace-t-il.
Face au scandale provoqué par cette 45e cérémonie des César, le critique de cinéma, auteur de (très) Cher cinéma français (prix Renaudot Essai 2019), estime qu'un cap irréparable a été franchi. "Les César, c'est fini", dit-il, incisif. "Vous allez voir comme ils vont se bouffer le nez. Ça va être une gabegie sans nom (...) le prochain événement qui sera dans le viseur, ce sera le festival de Cannes, on va contester la sélection, le jury...", poursuit-il avant d'achever "Ça va être horrible, peut-être que le coronavirus va sauver tout ça."