La «faute inexcusable» de la SNCF pour le suicide d'un employé confirmée en appel
En mai 2018, Julien Pieraut, employé SNCF, s'était donné la mort, épuisé par ses conditions de travail. Il avait pourtant fait remonter dès 2015 sa détresse aux services SNCF compétents, en vain. La cour d'appel d'Amiens a expliqué que l'entreprise "ne pouvait pas ne pas connaître" les difficultés de son employé.
La cour d'appel d'Amiens a récemment confirmé la condamnation l'an dernier de la SNCF pour "faute inexcusable" après le suicide de l'un de ses employés en 2018, a appris l'AFP.
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Des difficultés connues depuis 2015
Le 21 mai 2018 au petit matin, Julien Pieraut, 27 ans, salarié du technicentre Est Européen de la SNCF à Bobigny, s'est fait volontairement happer par un train sur un passage à niveau alors qu'il se rendait à son travail. La SNCF avait refusé de reconnaître un caractère professionnel à ce suicide, et soutenait n'avoir jamais eu vent de difficultés psychologiques de Julien Pieraut du fait de son activité professionnelle.
Or, Julien Pieraut habitait dans l'Aisne, à environ 2H30 de trajet en voiture de son lieu de travail. Il signalait dès 2015 à son employeur des "soucis dus au transport", puis sollicitait une mutation en Picardie l'année suivante, rappelle la cour d'appel d'Amiens dans son arrêt rendu le 10 décembre.
Au lieu de cela, la SNCF lui a proposé fin 2017 une nouvelle affectation toujours en région parisienne, avec une amplitude horaire augmentée et l'exposant à un travail matinal sept jours sur sept.
Même si cette proposition aggravait ses problématiques de trajet, Julien Pieraut avait finalement accepté ce nouveau poste, en sollicitant en contrepartie une augmentation et une aide dans sa recherche d'un logement plus proche de son travail, des demandes laissées sans suite.
80.000 euros d'indemnisations pour les parents de Julien
La SNCF "ne pouvait ignorer les difficultés de son salarié, qui lui en avait fait part à plusieurs reprises", ainsi que les risques psychosociaux que ces dernières pouvaient occasionner, selon la cour d'appel.
Celle-ci a confirmé en tout point un jugement de première instance rendu l'an dernier, qui octroyait aux parents de Julien Pieraut une indemnisation de 40.000 euros chacun au titre de leur préjudice moral respectif. Le syndicat SUD-Rail s'est félicité de cette décision.
Des "procès retentissants" comme ceux sur les suicides en série à France Télécom ou sur les accidents ferroviaires de Brétigny (2013) et du TGV Est (2015) "questionnent le travail, ses conditions d'exécution et ses organisations", a rappelé le syndicat dans un communiqué publié mardi.
En dépit de cela, "combien de dossiers ne sont pas ouverts, découragés, mis sous la pile, ou au final non reconnus", a-t-il regretté. De son côté, la SNCF n'a pas souhaité commenter auprès de l'AFP sa nouvelle condamnation en appel dans cette affaire.