Très attendues, ces commémorations interviennent dans dans un contexte tendu entre Paris et Alger. Samedi, le président de la République Emmanuel Macron devrait reconnaître "une vérité incontestable" lors de la cérémonie officielle pour les 60 ans du massacre des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris. Le chef de l'État déposera une gerbe sur les berges de la Seine, à la hauteur du Pont de Bezons. Invité de Jean-Pierre Elkabbach, sur Europe 1, l'historien Benjamin Stora appelle lui "à regarder en face" la réalité de ce drame. "Il faut que la France reconnaisse cette tragédie comme une tragédie inexcusable", estime-t-il.
"Une responsabilité de l'État"
Lors de cette sanglante journée, 30.000 Algériens étaient venus manifester pacifiquement à Paris, avant de subir une violente répression. Et le bilan officiel de l'époque, trois morts et une soixantaine de blessés, est très loin de la réalité selon les historien, qui l'estiment aujourd'hui à au moins plusieurs dizaines. Au total, quelque 12.000 manifestants avaient été arrêtés.
"Il y a une responsabilité de l'État, sous l'autorité de Maurice Papon", insiste l'historien, qui appelle dans Libération à reconnaître les événements du 17 octobre "comme un crime d'État". "L'application de l'ordre qui a été mis en œuvre l'a été sous la conduite du préfet de police de Paris". Et Benjamin Stora, auteur d'un rapport sur la colonisation et la guerre d'Algérie remis à Emmanuel Macron en janvier, de poursuivre : "Quand on dit crime d'État, c'est aussi la possibilité d'identifier qui a fait cela".
"C'est un chantier qui s'ouvre"
Pour Benjamin Stora, "ce n'est pas un seul discours d'excuses et de repentance qui réglera une blessure mémorielle profonde. C'est un chantier qui s'ouvre". Pendant la cérémonie, Emmanuel Macron respectera une minute de silence, mais ne devrait pas prononcer de discours. Un texte sera diffusé "sous forme de communiqué qui indiquera de manière précise ce qui sera le sens et la portée de cette reconnaissance", assure l'Elysée auprès de l'AFP. Dans cette déclaration, le chef de l'Etat devrait faire "un pas de plus par rapport à ce qu'avait dit François Hollande en 2012", regrettant une "sanglante répression". "Il franchira un cap dans la reconnaissance de ce qui s'est passé et va acter de la vérité des faits", a encore souligné l'Elysée.
Cette cérémonie se déroule dans un contexte tendu entre Paris et Alger, rappelle l'AFP, après des propos d'Emmanuel Macron rapportés par Le Monde qui accusait le système "politico-militaire" algérien d'entretenir une "rente mémorielle" en servant à son peuple une "histoire officielle" qui "ne s'appuie pas sur des vérités".