Semaine chargée pour les opposants aux reformes d’Emmanuel Macron. Alors que le président de la République s’est envolé lundi pour Sydney, les syndicats et la gauche radicale doivent battre le pavé toute la semaine. En effet, à la traditionnelle mobilisation du 1er-Mai s’ajoute cette année un contexte social particulièrement chargé avec la grogne des retraités, celle des étudiants, des personnels des Ehpad, de Carrefour et d’Air France. Mais c’est encore l’opposition à la réforme du rail qui devrait occuper une large partie de l’actualité, avec le lancement jeudi de la septième séquence de la grève en pointillé à la SNCF.
Pourtant, de ce côté la contestation donne des signes d’essoufflement. Alors que le nombre de grévistes est passé sous la barre des 20% mi-avril, le soutien à la mobilisation baisse chez les Français. Ils ne sont plus que 42% à estimer que la grève est justifiée, selon un sondage publié le 29 avril par Le Journal du Dimanche, et 62% à espérer que le gouvernement aille jusqu’au bout de la réforme "telle qu’elle a été annoncée". Un mois après le lancement de la mobilisation, la semaine s’annonce donc cruciale pour l’opposition de gauche et les syndicats, s’ils veulent renverser la vapeur face à un exécutif qui, au moins sur ce dossier, continue d’avoir le soutien de l’opinion.
Le 30 avril, un meeting "Luttes debout"
Le coup d’envoi de cette semaine sociale est donné lundi soir, avec le meeting "Luttes debout", organisé par différents représentants de l’opposition, place de la République à Paris. À la tribune, sont attendus plusieurs têtes d’affiches de la gauche radicale : Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, David Cormand, secrétaire national d’EELV ou encore Olivier Besancenot, fondateur du NPA. Initialement annoncé, Benoît Hamon, leader de Génération.s, sera finalement remplacé par son bras droit Guillaume Balas. "L'ensemble des composantes de la gauche opposée à Emmanuel Macron se rassemble, travaille, converge", s’est réjouit lundi au micro d’Europe 1 Olivier Dartignolles, le porte-parole du PCF. Autre absence toutefois au milieu de ce cortège de leaders politiques : celle de Jean-Luc Mélenchon, chef de file des Insoumis. "À la veille des manifestations syndicales, ce genre d’initiative semble assez peu attractif", justifie auprès d’Europe 1 son porte-parole Alexis Corbière, alors que La France insoumise appelle à un rassemblement national le 5 mai.
Pour le 1er-Mai, une impossible unité syndicale
Entre ces deux dates, la traditionnelle journée de lutte du 1er-Mai verra les principales centrales syndicales se mobiliser, mais dans des directions opposées. Si les syndicats ont su trouver leur unité au niveau sectoriel, notamment à la SNCF et chez Air France, impossible pour eux de faire front au niveau national. "Il y a un décalage entre des postures confédérales et la réalité du terrain", reconnaît Philippe Martinez dans un entretien à Libération. "Plutôt que de discuter de ce qui nous différencie, on doit voir ce qui nous rassemble. On tombe trop souvent dans le jeu de la division organisée par d’autres". Il n’empêche, la marche commune à laquelle appelait le syndicaliste n’aura pas lieu. Seul Solidaires a accepté de défiler mardi au côté de la CGT. Le cortège partira à 14h30 de la place de la Bastille pour rejoindre la place d’Italie.
De son côté, la CFDT organise son propre rassemblement, avec le soutien de La CFTC et de l’Unsa. "Je ne suis ni pour la convergence des luttes, ni pour l'écrasement des revendications et des conflits", a déclaré dimanche, sur notre antenne, Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT table plutôt sur un 1er-Mai culturel, avec la projection d’un film, 7 Minuti, "sur l’importance du dialogue social", détaille le site internet du syndicat. De quoi rappeler ses divergences de vue avec la CGT. "La CFDT considère qu'il faut aller au bout de la discussion. Mais c'est où le bout de la discussion ?", interroge Philippe Martinez, toujours dans Libération. "Quand on n’arrive pas à se faire entendre, on pense, à la CGT, qu'il faut passer à une autre étape". Une manière aussi de maintenir la pression sur l’exécutif avant une rencontre, le 7 mai, entre le Premier ministre et les principaux syndicats représentatifs des cheminots, qui ont à nouveau prévu de se mobiliser les 3 et 4 mai. Le succès, ou non, des mobilisations pourrait bien déterminer le ton de cette entrevue.
Le 5 mai, le rassemblement "pot-au-feu" des Insoumis
Enfin, en épilogue de cette semaine sociale, le rassemblement convoqué samedi par La France insoumise, à l’initiative de François Ruffin. Une manifestation "pot-au-feu", selon la formule du député de la Somme qui entend réunir les mécontentements des uns et des autres pour "faire sa fête à Macron", à deux jours de la date anniversaire de l’élection du président de la République. "Chacun ramène ses carottes, ses pommes de terre, ses choux et on fout tout ça dans la marmite", détaille-t-il, non sans ironie, auprès du Figaro. "L’enjeu est de montrer que le refus de la politique d’Emmanuel Macron ne s’est pas éteint", résume encore Alexis Corbière.
C'est fois, Benoît Hamon se joindra au cortège, qui partira de la place de l’Opéra à 14 heures pour rallier la place de la Bastille. "Rater le 5 mai, ce serait accélérer la fin de la mobilisation sociale", a averti l’ex-socialiste dans un entretien à Regards. Mais au-delà des soutiens, les Insoumis tablent d’abord sur le nombre de participants, tout en refusant de se prêter au jeu des estimations. "L’élection d’Emmanuel Macron a pulvérisé le champ politique, ça n’est plus l’addition de petites dynamiques qui créer un succès aujourd’hui, mais l’importance d’un rassemblement. On ne parle pas aux milieux populaires en leur disant que telle et telle organisation, parfois crépusculaires, se sont rassemblées", estime Alexis Corbière. À noter toutefois que l’initiative a reçu le soutien d’une cinquantaine d’artistes et d’intellectuels, via une tribune publiée dans Libération, et notamment signée par Romane Bohringer, Virginie Despentes, Jacques Weber ou encore Thomas Piketty.