Le printemps de Jean-Luc Mélenchon s'annonce plutôt doux. Le vent et les sondages semblent aller dans le sens de l'eurodéputé. Une enquête TNS Sofres publiée dimanche révèle en effet sa progression dans l'opinion, le créditant de 12 à 16% des suffrages, selon les cas de figure, lors de la prochaine élection présidentielle. Dans l'hypothèse où Bruno Le Maire serait candidat pour Les Républicains, Jean-Luc Mélenchon arriverait même en troisième position, devant François Hollande.
"Le tripartisme annoncé explose". Du côté de l'équipe de campagne de l'ancien coprésident du Parti de gauche, la satisfaction est palpable quoi que modeste. "Cela montre que le tripartisme annoncé, avec un choix réduit au Parti socialiste, à la droite ou à l'extrême-droite, explose", juge Alexis Corbière. Pour le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, son candidat "incarne la recherche d'une autre voie" que de plus en plus d'électeurs sont prêts à emprunter.
Stratégie risquée mais payante. La stratégie de Jean-Luc Mélenchon pouvait pourtant paraître risquée. L'eurodéputé avait annoncé sa candidature à plus d'un an de l'élection présidentielle, le 10 février dernier, sur le plateau du Journal télévisé de TF1. Et s'était lancé sans parti derrière lui, se gardant même de tenir les communistes informés. En regardant dans le rétroviseur, cela s'avère payant. Le cofondateur du Parti de gauche s'est immédiatement désolidarisé d'une primaire à gauche qui, désormais, semble compromise, et apparaît comme la seule alternative clairement déclarée à la gauche du Parti socialiste.
" Le tripartisme annoncé, avec un choix réduit au Parti socialiste, à la droite ou à l'extrême-droite, explose. "
"La mayonnaise prend". Pour Eric Coquerel, coordinateur du Parti de gauche, ce choix d'esquiver la primaire n'a pu que plaire. "Une grosse frange de l'électorat estime qu'il n'y a plus une gauche qui mériterait d'être rassemblée. Il est totalement abstrait de vouloir aller d'Emmanuel Macron, Manuel Valls ou François Hollande à Jean-Luc Mélenchon." Preuve que l'échappée solitaire de Jean-Luc Mélenchon séduit à gauche, une partie des communistes n'aspire qu'à le rejoindre. Une pétition en ce sens a été lancée début mars et a déjà recueilli près de 1.400 signatures. Même son de cloche du côté du mouvement politique "Ensemble", membre du Front de gauche, qui a appelé dans une tribune à "contribuer à la dynamique qui commence à se dessiner aujourd'hui autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon". "La mayonnaise prend", se félicite Eric Coquerel.
Une plateforme participative. Si Jean-Luc Mélenchon a le vent en poupe, c'est également parce qu'il reprend en 2016 des méthodes de campagne qui ont déjà fait leurs preuves pour la présidentielle de 2012. Et, notamment, le fait de jouer sur tous les terrains, réels comme virtuels. Afficionados des réseaux sociaux et des nouvelles technologies, celui qui a été l'une des premières personnalités politiques à utiliser le Minitel ou à ouvrir un blog a décidé, cette fois, de miser sur une plateforme participative, jlm2017.fr. Celle-ci fonctionne grâce à NationBuilder, un logiciel de Content Management System (système de gestion de contenus, ou CMS) tout droit venu des Etats-Unis, qui permet non seulement de construire un site web, mais aussi de gérer une communauté et d'organiser des levées de dons. "On propose de mettre en contact de façon horizontale les personnes qui décident d'appuyer la candidature de Jean-Luc Mélenchon", explique Eric Coquerel. Soit "plus de 95.000 personnes", selon le décompte d'Alexis Corbière, qui salue "un outil déterminant pour la mobilisation citoyenne".
Investir la rue. Pas question, néanmoins, de négliger le terrain. Dans la plus pure tradition des campagnes présidentielles, le candidat a rendu visite, ce week-end, aux ouvriers de l'usine Akers, dans le Nord. Il compte également investir la rue, comme il l'avait fait entre 2011 et 2012. "On ne refera jamais exactement la même campagne, mais il faut continuer avec l'idée de laisser la place au peuple, comme nous le ferons le 5 juin avec le "défilé des Insoumis", souligne Alexis Corbière. Ce jour-là, un "rassemblement populaire" sera organisé à Paris.
Un contexte favorable. Mais pour Eric Coquerel, cette envolée sondagière est avant tout est liée au contexte de grogne sociale, favorable au candidat. Des manifestations en faveur de la protection de l'environnement pendant la COP21 à "Nuit debout", "il se passe quelque chose au niveau social et civique dans lequel la candidature de Jean-Luc Mélenchon trouve un écho", estime le coordinateur du Parti de gauche. "Les gens se saisissent du débat, il y a un bouillonnement d'idées", abonde Alexis Corbière, pour qui ces mobilisations prouvent qu'il "n'y a pas d'envie de droite en France".
" Il se passe quelque chose au niveau social dans lequel la candidature de Jean-Luc Mélenchon trouve un écho. "
Le chemin est long jusqu'à la présidentielle. Reste à savoir si Jean-Luc Mélenchon sera capable de capitaliser là-dessus pendant encore plus d'un an. En 2012, l'homme qui était crédité de 17% dans les derniers sondages avant le premier tour avait finalement recueilli 11,11% des voix. Pour Eric Coquerel, Jean-Luc Mélenchon part avec un avantage décisif par rapport à la dernière campagne. "Il ne s'appuie plus sur un cartel de partis [le Front de gauche]. Cela permet d'appréhender le fait que les gens ont envie de sortir des partis traditionnels." 2017 sera donc l'inverse de 2012 pour le candidat : l'emporter d'abord, créer un mouvement ensuite.
La menace Hulot et les 500 parrainages. Encore faut-il l'emporter. Pour l'instant, il n'a pas "envie" de se présenter. Mais l'écologiste Nicolas Hulot, qui s'est réservé le droit de changer d'avis, pourrait bien faire de l'ombre à Jean-Luc Mélenchon s'il décidait de se lancer. Très populaire, l'ancien d'Europe-Ecologie Les Verts joue sur le même créneau que l'ancien Front de gauche, rejetant les partis et communiquant allègrement sur Internet. En outre, Jean-Luc Mélenchon devra passer l'épreuve de la récolte des 500 parrainages, alors que les conditions d'obtention ont été modifiées et sont moins avantageuses pour les petits candidats. Là encore, la prudence est de mise. Mais pas le défaitisme. "La tâche n'est pas insurmontable", estime Eric Coquerel. "On s'y attelle dès maintenant."