La phrase qui fâche. Mardi soir, devant le Congrès des maires de France, François Hollande prononce une phrase vécue comme un recul par les partisans de la loi sur le "mariage pour tous". "La loi s'applique pour tous dans le respect, néanmoins, de la liberté de conscience", lance le chef de l’Etat, évoquant "les possibilités de délégations (d'un maire à ses adjoints) qui existent et qui peuvent être élargies".
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Que dit le dictionnaire ? Premier indice dans l’Encyclopaedia Universalis qui consacre trois pages à la question. C'est que ce concept quasi-philosophique demeure difficile à définir "en raison de son épaisseur sémantique, historique et géographique", explique l’encyclopédie. Tournons-nous alors vers les dictionnaires en ligne, qui ne s'embarrassent pas de philosophie. Les définitions différent en fait selon que l’expression est teintée de religiosité ou non. Le principe de liberté de conscience est, selon la définition du dictionnaire de linternaute.com, "le droit d’un individu de choisir les valeurs qui vont motiver son existence". Pour le Wiktionnaire, il s’agit du "droit que tout homme a d’adopter les opinions religieuses qu’il croit conforme à la vérité, sans pouvoir être inquiété à cet égard par l’autorité publique." Dans les deux cas, cette définition peut s’appliquer à un maire ne souhaitant pas unir deux personnes du même sexe.
La réponse dans la Constitution. La liberté de conscience, même si elle n’est pas formulée ainsi, se trouve dans la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et donc intégré de facto à la Constitution de la 5e République. "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi", peut-on lire à l’article 10 de la Déclaration solennelle de 1789. Or, ce principe peut, dans le cas du mariage homosexuel, se heurter à celui, plus sacré encore, d’égalité. Sauf que l’historie récente a montré que des dérogations étaient possibles.
A ne pas confondre avec la clause de conscience. La liberté de conscience n'entraîne pas automatiquement des clauses de conscience formelles, loin s’en faut. Aujourd'hui, seules quelques professions en bénéficient. L’exemple le plus connu est celui des médecins, qui ont le choix depuis 1979 de pratiquer ou non une interruption volontaire de grossesse. Les pharmaciens, les avocats ou encore les journalistes en jouissent également. Certains maires hostiles au mariage gay la réclament pour eux. Mais pour le gouvernement, il n’en est pas question.
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François Hollande lui-même, en deux temps. "La loi doit s'appliquer partout dans toutes les communes de France", a simplement déclaré le président mercredi matin, lors d'une conférence de presse en compagnie de son homologue italien, Giorgio Napolitano. Quelques heures plus tard, après avoir rencontré des leaders de l'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans), il est même revenu sur cette expression. "Il n'y aura pas de liberté de conscience dans le projet de loi sur le mariage pour tous qui sera présenté", a assuré Nicolas Gougain, porte-parole de l'association. François Hollande a reconnu que le terme de "liberté de conscience" employé mardi n'était pas "approprié", selon Nicolas Gougain, qui s'est dit "rassuré".
Claude Bartolone très précis. "C'est une formule (...) employée par le président de la République, mais la clause de conscience n'est pas prévue dans la loi qui va être présentée à l'Assemblée nationale", a assuré Claude Bartolone, président de l’hémicycle, sur LCP..
Les ministres au relais. La détermination du président est "pleine et entière", c'est une réforme dont il est "fier", avait plaidé peu avant la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. Elle avait été précédée par la garde des Sceaux, Christiane Taubira, qui a affirmé que le mariage gay serait assuré "dans chaque commune de France au nom de l'égalité des droits".
Comment les maires peuvent utiliser leur liberté de conscience ? Dans ce cas, plusieurs solutions existent. La plus extrême est de faire appel au préfet, qui peut prendre le relais d’un maire défaillant pour appliquer la loi. Avant d’en arriver là, la plus classique des alternatives est de faire célébrer l’union par un adjoint qui n’aurait pas les même problèmes de conscience. Reste le problème des communes dont l’entièreté du conseil municipal est opposée au mariage gay. Dans une interview à 20 Minutes, Franck Meyer, porte-parole du Collectif des maires pour l'enfance, assurait, mardi soir, en avoir recensé. Les maires hostiles au mariage gay ont proposé mardi soir, par la voie de Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, de pouvoir confier la célébration du "mariage pour tous" au maire des communes où habitent les parents respectifs des conjoints. Bref, passer la patate chaude au voisin.