En 2005, Nicolas Sarkozy et François Hollande, respectivement patron de l’UMP et du PS, posaient ensemble à la une de Paris Match, alors que le pays gronde. Les deux leaders plaidaient ainsi pour le oui au référendum sur le traité européen. Quelques mois plus tard, les Français votaient non. Et huit ans plus tard, les deux principaux partis de gouvernement ne savent toujours pas sur quel pied danser quant à leur politique européenne.
Au PS, l’austérité dérange. Le chef de l’Etat est bien embarrassé. Alors qu’avec Angela Merkel, l’heure est au dégel, c’est sa majorité qui lui pose problème. Fin avril, un document de travail du Parti socialiste fuitait dans Le Monde. Un texte en forme de réquisitoire contre la chancelière allemande qui avait obligé l’Elysée à calmer le jeu, et le PS à revoir sa copie. Mardi, un colloque réunit une cinquantaine de parlementaires. Objectif de ces élus : torpiller la feuille de route franco-allemande et enterrer la politique de réduction des déficits, car "elle a échoué", affirme François Kalfon (Gauche populaire), l’un des organisateurs. Parmi eux figure notamment Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale. Mais aussi un ministre, Arnaud Montebourg. Une réunion qui ressemble fort à un acte de défiance vis-à-vis du chef de l’Etat.
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Dans leur croisade anti-bruxelloise, les élus peuvent compter sur l’aile gauche du PS. Dimanche prochain se tiendra une convention sur l’Europe, à quelques jours du Conseil européen des 27 et 28 juin. Les débats s’annoncent houleux. Le seul texte qui sera soumis au vote plaide pour une réorientation de l'Europe face aux conservateurs européens, notamment en Allemagne. Très insuffisant jugent les amis de Benoît Hamon (Un monde d'avance) et ceux d'Emmanuel Maurel (Maintenant la gauche), qui auraient aimé une opposition beaucoup plus offensive contre les politiques d’austérité. Comme le Front de gauche ou Europe Ecologie - Les Verts.
Bien conscient des clivages profonds qui existent sur ce sujet, Jean-Marc Ayrault a un temps envisagé d’annuler purement et simplement la convention, avant de se raviser. Jean-Christophe Cambadélis, vice-président du Parti socialiste européen, veut croire, dans le Figaro, que "ça va se passer calmement". Mais prévient : "sur l'Europe, le feu couve toujours sur la cendre…"
Des dissidences à l’UMP ? Contrairement au Parti socialiste, l’UMP, à l’exception de quelques souverainistes tel Nicolas Dupont-Aignan, était largement favorable au traité constitutionnel de 2005. Mais la crise est passée par là et les certitudes d’hier ont vécu. Alors que le parti de Jean-François Copé espère se refaire une santé avec les élections européennes de 2014 - mais aussi et surtout avec les élections municipales, la même année -, deux lignes stratégiques s’opposent. Avec virulence.
Fin mai, une convention sur le sujet a été organisée, qui a laissé éclater au grand jour des divisions profondes. Le courant des humanistes, animé par Jean-Pierre Raffarin et Luc Chatel, a ainsi plaidé pour "une fédération franco-allemande", à échéance de dix ou quinze ans, dans la perspective d'un fédéralisme européen. Le député Franck Riester (photo), qui dirigera la campagne de l’UMP, juge pour sa part dans Le Monde qu'un rapprochement franco-allemand est "le seul cap tenable" pour que "le continent fasse entendre sa voix face à des pays continents" comme la Chine, l'Inde ou le Brésil. Et de conclure : "si on veut être fort, on doit accepter de transférer une partie de notre souveraineté".
Cette dernière phrase a hérissé le poil des élus de la Droite populaire. Un transfert de souveraineté est pour eux un casus belli. Si c’est cette voie qui est choisie par la direction du parti, certains d’entre eux ont d’ores et déjà menacé de faire dissidence et de constituer une autre liste pour les européennes. Quelques mois après le spectacle affligeant du scrutin interne pour la présidence de l’UMP, l’image serait terrible pour un parti qui ne rêve que de l’alternance en 2017.
Et les Français ? En France, comme en Europe, l’euroscepticisme a encore de beaux jours devant lui. La crise et les recommandations de Bruxelles font de l’Union européenne un bouc-émissaire tout trouvé. Voir François Hollande souffler le chaud - appel à une gouvernance économique européenne, volonté de relancer le couple franco-allemand - et le froid - "la Commission n'a pas à nous dicter ce que nous avons à faire", a-t-il lancé fin mai -, n’aide pas ses concitoyens à se passionner pour la chose européenne.
Selon une enquête BVA réalisée pour l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et parue fin février, les Français n'ont jamais été aussi désenchantés vis-à-vis de l'institution bruxelloise. Ils ne sont plus que 38% à considérer la construction européenne comme une source d'espoir. Ils étaient 50% fin 2011, 61% en 2003 et 74% en 1987. Un autre sondage, plus récent, montre que la situation n’est pas prête de s’arranger. Selon cette étude de l’institut Galup parue le 7 mars dernier, 62 % des Français pensent que l’UE prend une mauvaise direction. Aux partis de ne pas en faire de même.