Pour la première fois, le gouvernement envisage de réduire l’immigration légale, notamment celle issue du travail. Dans une interview au Figaro Magazine de ce week-end, le ministre de l’Intérieur Claude Guéant redéfinit les priorités de la politique menée en la matière depuis 2007.
"J'ai demandé que l'on réduise le nombre de personnes admises au titre de l'immigration du travail (20.000 arrivées par an)", indique l’ancien secrétaire général de l’Elysée. "Et nous allons continuer à réduire le nombre d'étrangers venant en France au titre du regroupement familial (15.000)", poursuit-il. Des propos à rebours de ceux exprimés par Nicolas Sarkozy jusqu’à présent.
Quand l’immigration était une "chance"
"L’immigration, j’ose le mot, est une chance pour notre pays. Je veux donc rétablir un discours positif sur l’immigration, c’est à la fois ma conviction profonde et la condition de l’intégration". Ces mots sont prononcés par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, en juin 2005, lors d’une convention UMP consacrée à cette thématique. Celui qui est alors candidat à la présidentielle de 2007 prône un rééquilibrage de l'immigration familiale, qualifiée d'"immigration subie", vers une immigration de travail, qualifiée, elle, de "choisie". Le principe de l’"immigration choisie" est acté dans la loi relative à l’immigration et à l’intégration du 24 juillet 2006.
Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy affirme vouloir "poursuivre et renforcer la politique d'immigration choisie et défend un "système de quotas par pays et par solution". "La France doit pouvoir faire le choix des immigrés qu'elle accueille en fonction de ses besoins et de ses possibilités", explique le candidat.
"Veiller à la réussite de l’intégration"
A l’Elysée, Nicolas Sarkozy détaille sa politique d’immigration choisie dans les lettres de mission qu’il envoie à ses deux ministres de l’Immigration successifs, Brice Hortefeux et Eric Besson. Dans celle envoyée au premier locataire de la place Beauvau, le 9 juillet 2007, on peut lire ceci :"Vous fixerez chaque année des plafonds d'immigration selon les différents motifs d'installation en France et vous viserez l'objectif que l'immigration économique représente 50% du flux total des entrées à fin d'installation durable en France. Notre pays doit accueillir des étrangers auxquels il peut donner un travail, qui ont besoin de se former en France ou qui répondent à ses besoins économiques".
Celle adressée à Eric Besson, le 7 avril 2009, lui fixe cinq priorités dont la mise en place d’"une nouvelle politique de l'intégration, axé sur "trois piliers essentiels : le partage de la langue française et des valeurs de la République, le travail et le logement". Il n’est pas question, pour autant, de réduire l’immigration issue du travail.
Le regroupement familial, vieille rengaine
Sur la politique du regroupement familial, Nicolas Sarkozy tient depuis de nombreuses années un discours ferme. La loi du 24 juillet 2006 durcit ses conditions, au nom d’une immigration considérée comme "subie" par le chef de l’Etat. Un objectif qu’il a réaffirmé dans sa lettre de mission envoyée à Brice Hortefeux. "Si le regroupement familial est un droit, il doit se faire dans le respect des procédures (…) Il doit être subordonné au fait d'avoir un logement et des revenus suffisants pour faire vivre sa famille. Par ailleurs, il doit faire l'objet d'un test d'apprentissage de notre langue et de notre culture avant l'entrée en France" indique l’Elysée dans son courrier. Selon les chiffres du Monde daté de vendredi, le regroupement familial a baissé de près de 17% en 2009.
Dans son discours de Grenoble, le 30 juillet 2010, Nicolas Sarkozy laissait présager un changement de cap politique d’immigration. "Nous subissons les conséquences de 50 années d’immigration insuffisamment régulées (…) Nous sommes si fiers de notre système d’immigration, peut être faut-il se réveiller, il a marché, il ne marche plus", martelait le président.
"Avant, il opérait une distinction"
Un changement de cap décrypté par le politologue Stéphane Rozès. "Le président Nicolas Sarkozy opère un rétropédalage sur l’immigration légale", analyse le président de CAP (Conseils, analyses et perspectives). "Avant, il opérait une distinction entre immigration choisie et immigration zéro. Plus maintenant", conclut t-il.