L’INFO. Le bras de fer continue entre Dieudonné et Manuel Valls. Alors que le premier continue d'affirmer qu'il sera bien sur scène jeudi soir à Nantes, le second commence à avoir les oreilles qui sifflent, et pas seulement parce qu’il a été accueilli par des huées à Rennes, mercredi soir. En coulisses, c’est surtout sa gestion de l'affaire et sa méthode qui sont critiquées, selon Caroline Roux, éditorialiste politique d’Europe 1.
Officiellement, les ministres sont derrière leurs collègues de l’Intérieur. Dans les faits, la réalité est bien différente. "Nous n’avons plus d’autre choix que de serrer les rangs autour de lui. Il est impossible de laisser planer le moindre doute sur la détermination du gouvernement face au délire antisémite de Dieudonné ", confesse un proche de Cécile Duflot. Si, sur le fond de l’affaire, Manuel Valls a quelques soutiens, c’est sa façon de faire qui, une nouvelle fois, a heurté ses collègues, même si lui s’en est défendu, jeudi matin à Rennes : le rôle d'un responsable politique est de "prendre des risques", a-t-il affirmé.
"Il ne pense qu’à lui". Le tacle vient d’un ministre : Valls, "c’est la politique pensée par Euro RSCG", célèbre agence de communication qui travaillait notamment pour Jérôme Cahuzac et Dominique Strauss-Kahn. Ce qui est reproché au premier flic de France, c’est, une nouvelle fois, de jouer en solo, de partir bille en tête sur l’interdiction des spectacles en pleine trêve des confiseurs. Et d’obliger ainsi le président et le Premier ministre à raccrocher les wagons en apportant leur soutien à sa circulaire.
Une attitude qui agace de plus en plus. "Il ne pense qu’à lui. Quand on l’écoute, il n’y a ni président, ni Premier ministre, ni ministre, il agit seul. Mais ça va finir par lui nuire", estime un poids lourd du gouvernement. Quant aux élus socialistes, ils sont un certain nombre à craindre désormais une montée des violences antisémites dans les quartiers, voire une jonction avec les groupuscules de la Manif pour tous, comme l’accueil houleux reçu par Manuel Valls à Rennes peut le laisser imaginer.
"Valls n’a pas découvert Dieudonné à Noël". Dans l’entourage du ministre de l’Intérieur, on se défend de toute volonté de "gauchiser" son discours. D’abord parce que sur ce sujet, le clivage traditionnel gauche-droite n’existe pas. Ensuite car "Manuel Valls n’a pas découvert Dieudonné à Noël". Dès le mois d’août dernier, lors de l’université d’été du PS à la Rochelle, le ministre de l’intérieur avait commencé à mettre le polémiste dans son viseur et, à cette époque, personne ne soupçonnait le ministre de l’Intérieur d’arrière-pensée politique. A Beauvau, la réponse fuse : "il fallait sortir du statu quo, casser la dynamique. Si la circulaire ne marche pas, on fera autre chose."
En attendant de voir l’efficacité de sa mesure, Manuel Valls a déjà enregistré un succès : Dieudonné a définitivement perdu l’étiquette d’humoriste pour devenir monsieur M’Bala M’Bala, antisémite, soupçonné de blanchiment d’argent et d’organisation d’insolvabilité. Mais si, par imprudence juridique, le ministre de l’Intérieur perdait son combat sur des sujets aussi essentiels que les valeurs de la république, ce serait naturellement perçu comme une défaite politique.
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