La reconnaissance d'un Etat palestinien ? Officiellement, le Front national est pour. Et pourtant, la députée FN du Vaucluse, Marion Maréchal-Le Pen, s'abstiendra lors du vote de la résolution PS invitant le gouvernement à reconnaître un Etat de Palestine, mardi après-midi à l'Assemblée nationale. Une information de France Inter, confirmée à Europe 1 par l'entourage de la députée.
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Elle était pour… Il y a deux semaines, Marion Maréchal-Le Pen affirmait pourtant sur BFM TV que ce texte - qui n'a aucune portée normative - avait ses faveurs. "Je pense que je voterai pour", avait-elle déclaré, précisant toutefois ne pas connaître "le détail de la résolution".
…mais plus maintenant. Une volte-face ? Que nenni, assure son entourage. "Quand elle a déclaré cela, elle n'avait pas connaissance du texte de la résolution, qui ne circulait que dans les milieux autorisés", explique-t-on. "Sa position n'a pas évolué. Sur le principe, elle est favorable à la création d'un Etat palestinien, comme le FN. Mais ce texte ne lui convient pas, notamment sur la question de Jérusalem, puisque nous sommes pour un statut international de la ville". Le projet de résolution veut, lui, faire de Jérusalem à la fois la capitale d'Israël et de la Palestine.
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Collard votera contre. Quant à Gilbert Collard, député du Rassemblement Bleu Marine, il a indiqué qu'il voterait contre cette résolution "en l'état actuel du texte". Il l'a d'ailleurs violemment fustigée, vendredi dans l'Hémicycle : "si vous reconnaissez aujourd'hui l'Etat de Palestine, vous embrassez le Hamas, vous embrassez le terrorisme", a-t-il vitupéré.
Le Pen et le "camp de concentration" de Gaza. Ces positions remettent sur le tapis les ambiguïtés du Front national sur le délicat dossier du Proche-Orient. Historiquement, le parti suit plutôt une ligne pro-arabe. On se rappelle des propos de Jean-Marie Le Pen comparant Gaza à un "camp de concentration". Marine Le Pen, elle, a cependant choisi une position plus neutre, renvoyant les belligérant dos à dos. Tout en étant favorable à la création d'un Etat palestinien. "La seule solution, c'est l'existence de deux Etats", affirmait-elle en juillet dernier.
Aymeric Chauprade, le conseiller influent. Des interrogations sur un revirement de la ligne du FN ont surgi en août dernier, lorsque le géopoliticien Aymeric Chauprade, conseiller de Marine Le Pen et eurodéputé FN, a publié un "manifeste" sur la politique étrangère de la France. Il y appelait à une politique plus favorable à Israël, désignant le "fondamentalisme islamique sunnite" comme le seul "véritable ennemi".
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Très critiqué par les milieux proches des antisionistes Dieudonné ou Alain Soral, ce texte a semé le trouble. Fallait-il interpréter cette position comme la nouvelle ligne du parti ? D'autant plus que deux mois plus tôt, Marine Le Pen avait lancé un appel du pied aux "Français juifs", assurant que le FN était leur "meilleur bouclier"…
Cette position plus favorable à Israël a-t-elle joué dans la décision de Marion Maréchal-Le Pen de s'abstenir ? "Elle n'a pas été influencée par Aymeric Chauprade", défend l'entourage de la députée. "Ils en ont parlé ensemble, mais c'est sa position à elle".
Un accord de paix d'abord. Contacté par Europe 1, Aymeric Chauprade (photo) confirme qu'il est défavorable, "à titre personnel", au texte de la résolution Palestine. "La tradition de la politique étrangère française, c'est une ligne qui fait consensus à droite et à gauche : une reconnaissance d'un Etat palestinien, mais fondée sur un accord de paix. Or, cet accord n'existe pas", explique l'eurodéputé.
Aymeric Chauprade serait-il parvenu à imposer cette position à Marion Maréchal-Le Pen ? Il se fait vague : "certains ont pu se prononcer sous le coup de l'émotion. J'ai rappelé ma position, je pense que cela a permis d'ajuster celle des uns et des autres", estime-t-il, confirmant avoir discuté du sujet avec la députée.
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Des arrière-pensées électoralistes ? Le spécialiste dénonce, au passage, les "préoccupations électoralistes" qui guideraient le groupe socialiste en proposant cette résolution. Et rappelle ces propos qu'aurait tenu le député Benoît Hamon, selon le Canard enchaîné : "il s'agit du meilleur moyen pour récupérer notre électorat des banlieues et des quartiers, qui n'a pas compris la première prise de position pro-israélienne de Hollande".
Invitée d'Europe 1 mardi, Elisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée, a balayé les accusations d'arrière-pensées politiques. "Ça rabaisse le débat alors que c'est un sujet assez grave pour qu'on puisse l'élever au niveau où il doit être", a déclaré la députée PS de Seine-Saint-Denis.
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