>> Dans cinq mois, ils seront ministres, conseillers techniques ou retourneront à la case "départ". Voici le premier portrait de notre série "Dans la cour des grands", où vous pourrez découvrir les nouvelles têtes de la campagne présidentielle.
C’est cet été qu’Hollande lui a parlé. Engagé dans la primaire, il voulait du renouveau dans les visages de sa future équipe de campagne. Née en Corée, elle, ne voulait surtout pas se retrouver cantonnée aux questions de diversité, un systématisme, "ringard", dit-elle. "On a alors parlé d’un porte-parolat, confie-t-elle, mais rien n’était défini". Et puis au final, en novembre dernier, Fleur Pellerin, 37 ans, énarque et conseillère à la Cour des comptes, s’est vu attribuer un secteur stratégique dans l’équipe de campagne du candidat socialiste : celui de "l’économie numérique".
Pour les spécialistes du digital, comme pour le grand public, elle sort alors de nulle part, ou presque. Seuls les lecteurs de Libération avait pu lire son portrait, en dernière page, la labellisant "hussarde de la diversité" ou encore "pur produit de la méritocratie française". Bref, un portrait "sympa", sourit la présidente du Club XXIe siècle, l'élite des minorités visibles.
Ses références politiques
Peu connue donc, mais pas inconnue en politique. La conseillère à la Cour des comptes a déjà deux présidentielles à son actif. Elle a ferraillé en 2002 aux côtés de Lionel Jospin et, en 2007, avec Ségolène Royal. Pour Jospin, il s’agissait alors de "gratter de la note" dans l’équipe des "plumes" chapeautée par Pierre Moscovici, aujourd’hui directeur de campagne de François Hollande.
Pour Royal, sa mission fût bien peu stratégique dans le pool "presse spécialisée". Ses découvertes ? "la revue du verre plat, les journaux pour les motards", se souvient-elle. En mai 2007, la candidate socialiste perd l’élection et Fleur Pellerin sa motivation : "cela avait été dur, j’étais un peu écœurée et puis je me sentais trop vieille pour continuer tout cela".
Elle rempile pourtant pour une place de choix dans l’équipe Hollande que son mari connaît de longue date - lui aussi, conseiller à la Cour des comptes, il a fait partie, étudiant, d’un groupe témoin proche de l’élu de Corrèze.
Son entrée en campagne
Son choix à "l’économie numérique" a-t-il été orienté par l’exigence de parité ? "Cela a joué", reconnaît-elle, "mais j’aurais trouvé ma place de toute façon".
Pour le reste, son entrée dans la campagne aurait pu mieux commencer. "On m’a fait un procès en incompétence - d’ailleurs, je me demande si cela aurait été aussi violent si j’avais été un homme", s’agace-t-elle, évoquant quelques tweets et billets de blog raillant sa nomination. Sa riposte, elle est allée la jouer dans la presse professionnelle, dans des interviews à Electron libre, etc. "Je voulais montrer que je sais de quoi je parle et que je m’adapte vite. Je voulais envoyer un signal : je maîtrise le sujet". Point.
Son agenda
"Après avoir montré les muscles", il a fallu organiser son pôle "numérique" en jonglant avec la Cour des comptes, puisqu’elle occupera son poste jusqu’en janvier, date à laquelle elle se mettra en disponibilité. "J’ai commencé par réunir tout le monde chez moi… On n’a pas encore de locaux", raconte-t-elle avant de détailler : "On est une start-up de 30 personnes. Moyenne d’âge 35 ans. J’ai organisé des sous-pôles, un pôle infrastructure, un pôle aménagement, un autre e-business, fiscalité numérique, transformation sociale".
Sa crainte pour la campagne ? "Passer les mois qui viennent à parler d’Hadopi", sujet sur lequel François Hollande est resté, jusqu’à présent, assez flou proposant de remplacer l’autorité régulatrice, "répressive" par une autorité "plus constructive". "On s’est exprimé sur le sujet. On essaie désormais d’en sortir par le haut. Le numérique ne se résume pas à Hadopi", martèle-t-elle.
Et dans six mois ?
"Je vais ensuite proposer des prises de parole à François Hollande, en France ou à l’étranger sur le numérique". Sauf gros événement, elles n’interviendront pas avant janvier. "Il ne sert à rien de courir après l’agenda de Sarkozy", insiste-t-elle, questionné sur la séquence web qu’ouvre, cette semaine, l’Elysée.
Voilà pour l’agenda des cinq mois prochains. Et après ? A la question "vous verriez-vous à la place d’Eric Besson" ? Fleur Pellerin répond sans détour "Et pourquoi pas !". "Je suis prête à aller jusqu’au bout", ajoute-t-elle pour montrer encore une fois qu’elle a les épaules pour le job.
"Et si ça ne marche pas, j’ai dit à ma fille (de 7 ans) qu’on irait s’exiler au Canada", plaisante-t-elle, évoquant en creux "l’exil" d’un Alain Juppé déclaré inéligible en 2004. Plus sérieusement, "je sais que j’aurais dû mal à continuer à évoluer dans la fonction publique où, on le voit bien, se sont développés ces cinq dernières années de la peur et du mépris".