Quelles sont les arrières-pensées derrière la proposition de loi UMP pénalisant la négation du génocide arménien ? Pour les Turcs, vivement opposés au projet, tout est une question de calendrier et Nicolas Sarkozy cherche avec ce texte à s’assurer le vote des quelque 500.000 Français d’origine arménienne. En 2001, la loi sur la reconnaissance du génocide avait été adoptée, peu avant l’élection présidentielle. Et en 2006, une première loi visant à pénaliser la négation de ce génocide avait été présentée, mais jamais adoptée.
Cette proposition de loi a en outre été rédigée par Valérie Boyer, députée UMP de Marseille, la ville de France qui compte la plus forte communauté arménienne avec 80.000 personnes selon L’Express. Quant à François Hollande, candidat socialiste à la présidentielle, il s’est engouffré dans la brèche en s’empressant de rappeler qu’il avait "déjà fait voter" une proposition de loi sur le génocide arménien et se demandant pourquoi son texte n’est pas repris.
"Une soudaine passion pour l’Histoire"
Pour Robert Badinter, avocat et ancien ministre de la justice, "on ne peut pas nier le calendrier". "Pas la peine de se dissimuler la vérité : ce n’est pas une soudaine passion pour purifier l’Histoire qui entraîne le législateur dans cette direction", a-t-il affirmé sur Europe 1, appelant le Parlement à dire "non" à cette proposition de loi et ajoutant : "Laissons l’Histoire aux historiens".
Le ministre des Affaires européennes, Jean Leonetti, est monté au créneau pour défendre un texte qui "ne vise pas directement la Turquie [mais] l’ensemble des génocides", selon Le Parisien. "Si c’était pour faire voter" la communauté arménienne de France, "je pense que l’opposition ne voterait pas" le texte, a-t-il certifié.
"Compétition" pour récupérer des voix
Mais même à l’UMP, le texte ne fait pas l’unanimité. Bernard Debré, député UMP de Paris, qui juge la proposition "inutile", a ainsi admis qu’il y avait une "compétition entre la droite et la gauche pour savoir qui va récupérer les voix des Arméniens".
Quant à François Bayrou, président du MoDem, il a assuré sur Europe 1 savoir "très bien pourquoi" cette loi est présentée : "on le fait pour faire plaisir à des communautés, des groupes qui électoralement ont du poids". "Mais les responsables de l’Etat ne devraient pas se déterminer que pour des raisons électoralistes et ceux qui savent ce qu’est l’Histoire ne devraient pas la trancher par la loi", a-t-il conclu.
La polémique pourrait cependant tourner court, puisque cette loi controversée a de toute façon peu de chance d’être adoptée avant la fin des travaux du Parlement, dans deux mois.