Il y a bien eu des rétrocommissions dans les dossiers gérés par le gouvernement Balladur en 1994 et 1995. C'est Charles Millon, entendu lundi par le juge Renaud Van Ruymbeke, qui l'a confirmé, selon une source proche du dossier. L'ancien ministre de la Défense a fait état, pour la première fois devant la justice, de l'existence de rétrocommissions versées jusqu'en 1995 en marge d'un contrat de vente au Pakistan de sous-marins français.
En ce qui concerne le contrat pakistanais, au vu des rapports des services secrets et des analyses qui ont été effectuées par les services du ministère, on a eu l'intime conviction qu'il y avait eu des rétrocommissions", a déclaré Charles Millon au juge, selon des informations du Nouvel Observateur. L'ex-ministre a aussi confié au juge que "dans les quinze jours qui ont suivi" sa nomination au gouvernement en 1995, le président de l'époque - Jacques Chirac - lui "a demandé de procéder à la révision des contrats d'armement et de vérifier dans la mesure du possible s'il existait des indices sur l'existence de rétrocommissions".
Le juge Renaud Van Ruymbeke a décidé de se saisir d'une enquête pour faux témoignage et entrave à la justice dans l'affaire de l'attentat de Karachi en 2002. Et ce, contre l'avis du procureur, qui jugeait les faits prescrits.
Donnedieu de Vabres d'un tout autre avis
Mais l'ancien chargé de mission auprès du ministre de la Défense François Léotard, Renaud Donnedieu de Vabres, n'est pas de l'avis de Charles Millon. Il a assuré devant le juge Renaud van Ruymbeke, le 10 novembre, qu'il n'existait aucun lien entre la négociation de ce contrat et le financement de la campagne d'Edouard Balladur" en 1995, a rapporté une source proche du dossier.
Les rétrocommissions liées à l'attentat de 2002 ?
La justice s'interroge sur l'existence d'éventuelles rétrocommissions, liées à la vente de sous-marins au Pakistan. 84 millions d'euros de commissions auraient ainsi été versées à destination d'officiels pakistanais. Ces rétrocommissions auraient été destinées au financement de la campagne présidentielle de l'ex-Premier ministre Edouard Balladur et dont le porte-parole était Nicolas Sarkozy.
Selon cette hypothèse, l'attentat de Karachi de 2002 qui avait coûté la vie à 14 personnes, dont onze Français, pourrait être lié à l'arrêt par Jacques Chirac du versement de commissions promises au Pakistan par le gouvernement Balladur.
Les comptes de campagne de Balladur, un secret
Le juge Van Ruymbeke a également reçu Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, le 25 octobre. Le magistrat a demandé à l'homme politique la communication du contenu des échanges entre les Sages à propos des comptes de campagne d'Edouard Balladur, en 2005. Mais il a fait face à un refus. Jean-Louis Debré a opposé une fin de non-recevoir en raison du "secret qui s'attache aux délibérations".
Les rapporteurs du Conseil constitutionnel avaient prôné en 1995 un rejet des comptes de campagne de l'ancien Premier ministre. Un avis finalement non suivi par le Conseil, alors présidé par Roland Dumas, qui avait validé les comptes.