Le compte de campagne d'Edouard Balladur était truqué. C'est ce que conclut le rapport de synthèse de douze pages en date du 22 juin et intitulé "constatations sur les comptes de campagne", mis au jour dimanche par le Journal du dimanche. L'affaire Karachi a toujours en toile de fond la présidentielle de 1995.
A ce sujet, Nicolas Bazire, bras droit d''Edouard Balladur à l'époque, doit être entendu le 3 novembre par le juge Van Ruymbeke. Actuel bras droit de Bernard Arnault, patron de LVMH, Bazire avait été placé en garde à vue le 20 septembre avant d'être mis en examen pour complicité d'abus de biens sociaux.
Et le juge Van Ruymbeke a beaucoup de questions à lui poser sur le financement du compte de campagne de l'ancien Premier ministre en 1995. Dans le rapport, les policiers pointent que "le souci principal de l'Aficeb (association de financement de la campagne d'Edouard Balladur) a été de maintenir les dépenses du candidat sous le plafond des 90 millions de francs", à un peu plus de 85,6 millions de francs.
Mais le rapport montre aussi que des dépenses de sécurité d'au moins 5 millions en espèces n'ont jamais été déclarées au Conseil constitutionnel. De facto, la campagne d'Edouard Balladur a dépassé le seuil autorisé et n'aurait donc pas dû être remboursée par l'Etat.
"Effaré par la masse de cet argent"
Par ailleurs, les enquêteurs relèvent qu'"aucun bordereau de versement d'espèces" pour les recettes meetings ou non n'a existé. Le flou grandit avec les déclarations de Raymond Huard, trésorier de l'Aficeb à l'époque. "J'étais effaré par la masse de cet argent, je n'en avais jamais vu autant de ma vie", explique-t-il au JDD à propos des 10,25 millions de francs déposés après le premier tour, principalement en coupures de 500 francs. "Il paraît improbable que les dons soient des billets de 500 francs".
Enfin, le juge Van Ruymbeke tentera d'en savoir plus sur les fonds spéciaux de Matignon, dont une partie est suspectée d'avoir alimenté la campagne d'Edouard Balladur. D'après le JDD, Matignon recevait chaque mois entre 4 et 5 millions de francs sur un compte ouvert au nom du Premier ministre, ainsi qu'un autre compte ouvert à la Banque de France qui recevait 12 millions de francs. "Une fois payés les ministres, il restait environ une centaine de millions par an", assure au JDD un ancien de Matignon.
La défense de Nicolas Bazire
L'ancien directeur de cabinet a plusieurs cordes à son arc pour contrer les accusations. D'abord, comme il l'avait dit lors de sa garde à vue, "le trésorier jouait un rôle central […] Personnellement, je n'ai pas apporté de recettes et je n'ai manié aucune espèce d'aucune manière", rappelle le JDD.
Surtout, le camp Bazire compte s'appuyer sur la validation à l'époque pour contester l'enquête du juge. "Les comptes ont été validés par le Conseil constitutionnel, et quoi qu'on pense de cette validation, […] elle s'impose à toutes les autorités administratives et juridictionnelles", argue un proche de Bazire. L'ancien bras droit d'Edouard Balladur n'est pas le seul visé par l'enquête. Outre Thierry Gaubert, le juge s'intéresserait également au patrimoine d'Edouard Balladur. Selon un spécialiste du dossier, "personne ne sait comment se finira cette enquête".