Voilà un "effet Dieudonné" que Manuel Valls n’avait peut-être pas anticipé en lançant son offensive à l’encontre de l’humoriste controversé. A en croire deux sondages, le ministre de l’Intérieur ne sort pas grandi aux yeux de l’opinion de cette polémique qui agite le landernau depuis plusieurs semaines. Au point que dans le baromètre Ifop pour Paris Match, il perd la place tant convoitée de personnalité politique préférée des Français.
Il perd la première place dans le baromètre Ifop pour Paris Match . Place Beauvau, on préfère prendre ces études d’opinion avec humour. "C’est la réponse à tous ceux qui disent qu’on fait de la politique le nez sur les sondages", rétorque-t-on au ministère de l’Intérieur, selon les informations de Caroline Roux, éditorialiste à Europe 1. N’empêche. Le mal est profond. Manuel Valls perd ainsi six points dans le dernier baromètre Ipsos-Le Point. Il reste tout de même la personnalité politique préférée des Français, avec 53% d’opinions favorables, juste devant Alain Juppé (52%, +3) et Bertrand Delanoë (49%, +1).
En revanche, il perd la première place dans le sondage Ifop pour Paris Match. Avec 61% de bonnes opinions, Manuel Valls est désormais devancé par Jack Lang (66%, +7) et glisse à la 3e place, derrière Bertrand Delanoë (63%, +5). "C’est la première fois depuis plus d’un an et demi que Manuel Valls perd la première place", rappelle Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop, qui parle de "tournant".
Une chute à gauche comme à droite. Et la chute est généralisée. "Il perd surtout à droite", relève Frédéric Dabi concernant l’étude de l’Ifop. "C’est la fin de l’exception Valls auprès des sympathisants de droite. Il perd 16 points à l’UMP. C’est sans doute moins lié à l’affaire Dieudonné en tant que tel, qu’au sentiment qu’a cette catégorie des sympathisants UMP, plutôt âgés, très polarisés sur la question de sécurité, que Manuel Valls a déserté le terrain pour se polariser sur une affaire qui ne les a pas intéressés plus que ça", explique le sondeur. Dans le sondage Ipsos, le ministre de l’Intérieur perd 10 points auprès des sympathisants de l’UMP.
Mais les points se perdent aussi à gauche, très attachée à la liberté d’expression. Dans l’étude Ipsos, il perd ainsi 6 points chez les sympathisants socialistes. Et comble de l’ironie, c’est de la part de Jack Lang, celui qui le détrône dans le baromètre Ifop, qu’est venue la charge la plus lourde. L’ancien ministre de la Culture a estimé que "la révolte contre l’infamie a fait vaciller les esprits" et que "la décision du conseil d’Etat (interdisant le spectacle de Dieudonné, ndlr), est une profonde régression". Manuel Valls a sans doute apprécié.
Sondage contre sondages. Mais à la place Beauvau, on sait mieux qu’ailleurs exploiter les études d’opinion, rappelle Caroline Roux. Alors les hommes de Manuel Valls préfèrent insister sur un autre sondage, celui qui montre que 83% des Français ont une mauvaise opinion de Dieudonné. "Le message est passé", se félicite-t-on dans l’entourage du ministre. Qui d’ailleurs envisage un autre angle d’attaque. La prochaine étape pourrait donc bien concerner les vidéos postées sur Internet. Le ministre de l’Intérieur se réserve ainsi le droit d’engager des poursuites contre la diffusion de propos incitant à la haine raciale sur le Net.
Une vision à long terme. Si les proches de Manuel Valls ne semblent pas inquiets outre-mesure, c’est aussi que le ministre de l’Intérieur joue sur le long terme. Il veut démontrer, grâce à l’affaire Dieudonné, qu’il sait mener des combats par conviction, et pas uniquement par opportunisme politique. Il accepte d’ailleurs l’accident de parcours. Mais cela doit rester l’exception. Car s’installer à la baisse dans l’opinion n’est pas prévu dans ses plans.
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