LA PROMESSE. L’image est restée comme l’une des plus fortes de la campagne présidentielle. Le 24 février 2012, perché sur une camionnette, le candidat Hollande prend face aux salariés du site sidérurgique de Florange un engagement fort. "Je suis prêt à déposer une proposition de loi qui dirait la chose suivante : quand une grande firme ne veut plus d’une unité de production mais ne veut plus la céder, nous en ferions obligation pour qu’un repreneur vienne et puisse donner une activité supplémentaire au site", avait-il lancé sous les vivas de son auditoire.
Plus de 18 mois plus tard, cette loi doit être votée mardi à l’Assemblée nationale. Mais entre la promesse formulée par le chef de l’Etat et le texte présenté devant les députés, il y a désormais un gouffre. Au point que cette "loi Florange" ne mérite plus vraiment son nom. Explications.
Obstacle n°1 : les droits de propriété et d’entreprendre. Le gouvernement s’est d’abord heurté à un obstacle de taille, incarné par le Conseil constitutionnel. Le droit de propriété et le droit d’entreprendre sont en effet tous deux garantis par la Constitution. Résultat : aucune loi ne peut contraindre une entreprise à vendre ou céder l’un de ses sites ou l’une de ses filiales, même en cas de rentabilité reconnue et admise dudit site. C’est d’ailleurs sur ces deux droits que l’UMP s’appuie pour crier son opposition au texte.
>> La solution : des sanctions financières. Pour contourner ce problème, le gouvernement a décidé de taper au portefeuille. Un groupe qui n’aurait pas fait l’effort de rechercher un repreneur, selon les termes de la nouvelle loi, pourrait se voir sanctionner de 20 smic mensuels par emplois supprimés, soit 28.000 euros tout de même. Un patron qui lancerait un plan social, avec ce que cela induit d’indemnités et d’investissement de reclassement, aurait donc cette charge financière supplémentaire à assumer. Les tenants du texte comptent sur un effet dissuasif.
Obstacle n°2 : le Medef. En 18 mois, le patronat n’a pas chômé sur le sujet, et sa persévérance a payé, puisque le champ du texte a largement été encadré. D’abord, au nom de la préservation des PME, seules les entreprises de plus de 1.000 salariés seront concernées. Autant dire les très grosses sociétés. Par ailleurs, seules les sociétés engageant un plan social pouvant aboutir à la fermeture d’un site entrent dans le champ de la loi. Enfin, et surtout, la nationalisation provisoire, un temps envisagée, est absente du texte. Autant de concessions qui poussent le Front de gauche à dénoncer un texte trop frileux à son goût. Les députés communistes et du Parti de gauche ne voteront donc pas la loi.
>> La solution : les salariés impliqués. Pour compenser ces concessions, le gouvernement a décidé d’impliquer les salariés dans le processus. Ainsi, en cas de plan social, le Comité d’entreprise (CE) devra être informé de tout repreneur potentiel. Et c’est le même CE, ou les délégués du personnel, qui pourront saisir le tribunal de commerce du territoire concerné s’ils estiment que leur entreprise n’a pas respecté la nouvelle loi. Par ailleurs, les députés socialistes, dont une bonne partie n’avait pas apprécié les reculs du gouvernement, ont obtenu que l'entreprise refusant une offre de reprise soit aussi contrainte de rembourser les aides publiques versées en cas de fermeture.
CONCLUSION : la loi Florange inapplicable à… Florange. Le PS jure que plusieurs entreprises auraient pu être sauvées si cette loi avait existé, comme l’usine sidérurgiste de Gandrange ou l'usine Produits céramiques de Touraine (PCT) de Selles-sur-Cher. Mais, et c’est le plus gênant pour le gouvernement, l’usine à l’origine même de cette loi n’aurait pas pu être sauvée. En effet, ArcelorMittal n’a jamais envisagé de fermer définitivement le site, ce qui l’exclut de fait du champ de la loi. Et les hauts fourneaux ont pu être fermés sous le regard impuissant du gouvernement.