Procès Colonna : épouses et concubines entrent en scène

La compagne et l'épouse de deux des complices présumés d'Yvan Colonna ont peiné jeudi pour expliquer leurs revirements durant l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac à Ajaccio. La compagne de Joseph Versini et Michèle Alessandri avaient d'abord mis en cause le berger corse avant de se rétracter.
"J'étais complètement déstabilisée": c'est en termes identiques que la compagne et l'épouse de deux des complices présumés d'Yvan Colonna ont expliqué jeudi leurs revirements durant l'enquête sur l'assassinat du préfet Erignac à Ajaccio. Tour à tour, Nicole Huber-Balland, compagne de Joseph Versini qui purge 15 ans de prison pour sa participation à l'assassinat de Claude Erignac le 6 février 1998, puis Michèle Alessandri, dont le mari a été condamné à perpétuité, ont été confrontées à leurs accusations passées d'Yvan Colonna devant la cour d'assises spéciale de Paris.
La tâche était rude pour Michèle Alessandri : aux enquêteurs, elle avait assuré avoir vu quelques heures avant le drame Yvan Colonna partir en voiture avec son mari. Le lendemain, en allant le rejoindre à Ajaccio, elle avait à nouveau remarqué l'accusé à ses côtés chez Alain Ferrandi, autre complice présumé sous les verrous. Elle assure aujourd'hui qu'elle a mentionné l'accusé à tort. "Vous avez donné des noms au hasard ?", lui demande le président Dominique Coujard. "Oui", hésite-t-elle. "C'étaient des gens que j'avais croisés". "J'ai peut-être dit Yvan Colonna parce que c'est quelqu'un que je connais mais cela aurait pu être quelqu'un d'autre". Finalement, dit un assesseur, Colonna était-il ou non chez Ferrandi ?: "Je ne sais pas.... non". Et d'expliquer ces dénonciations mensongères par "les souffrances et les humiliations subies lors de la garde à vue". "J'avais peur d'aller en prison", insiste cette cuisinière saisonnière de 49 ans qui vit à Cargese, dans le même village que la famille Colonna. Son mari a aussi blanchi le berger et s'est même accusé depuis sa prison d'avoir tiré lui-même dans la nuque du préfet, après avoir d'abord désigné l'accusé.
Avant elle, Nicole Huber-Balland avait décrit aussi des interrogatoires où elle a été "malmenée et manipulée", où on lui "crie dessus". Aux enquêteurs, elle avait affirmé qu'Yvan Colonna faisait partie du commando qui a attaqué fin 1997 la gendarmerie de Pietrosella, où l'arme qui a tué le préfet a été volée. "Je suis très étonnée par mes déclarations... On me soufflait les choses", répond-elle. La défense enfonce le clou en évoquant le "calvaire" des gardes à vue, le "cloaque" du commissariat et en demandant pourquoi Mme Huber-Balland n'a pas été interrogée par une femme. "On n'est pas encore dans une république islamiste", s'énerve le président. A 58 ans, Nicole Huber-Balland espère une prochaine libération conditionnelle de son compagnon dont elle élève seule leur fils de 14 ans. Apicultrice dans un village corse reculé, elle a dû fermer l'exploitation porcine. Michèle Alessandri a eu ses comptes saisis en septembre pour payer les indemnisations des crimes pour lesquels son mari a été condamné.