Il y a six mois, jour pour jour, le Front National réalisait une percée historique aux élections municipales. Le parti de Marine Le Pen s'est emparé de dix mairies, sans compter la ville de Béziers, remportée par Robert Ménard avec le soutien frontiste. Aujourd'hui, quel premier bilan peut-on tirer de l'installation de ces nouvelles équipes municipales, qui pour la plupart accédaient pour la première fois au pouvoir ?
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Au-delà des polémiques qui ont agité les débuts des municipalités d'Hénin-Beaumont, Hayange ou Béziers, Europe 1 a mené l'enquête auprès des mairies de quatre villes moyennes dont on parle moins. Principal enseignement: la promesse principale du candidat n'est que rarement tenue, souvent remplacée par d'autres mesures beaucoup plus symboliques.
A Villers-Cotterêts, une baisse d'impôts de 1,40 euro
Franck Briffaut (photo), élu en mars maire de Villers-Coterrêts, une ville de 11.000 habitants dans l'Aisne, avait promis de "baisser les impôts", sans préciser de montant. Il a effectivement diminué le taux de la taxe d'habitation, mais de seulement 0,2 point. Soit une ristourne de 1,40 euro pour le locataire d'un appartement à 700 euros, et une perte de 56.000 euros de recettes pour la mairie. "C'est vrai que ça a une valeur symbolique, mais pourquoi nos adversaires ne l'ont-ils pas fait avant, si c'était si facile ?", demande le maire au micro d'Europe 1, assurant vouloir poursuivre cette baisse "chaque année".
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Dans le même temps, Franck Briffaut a décidé d'augmenter son indemnité de 15%, c'est-à-dire de 500 euros. Motif : son revenu de maire ne couvrait plus son crédit. Autre nouveauté qui ne figurait pas à son programme : la hausse du tarif de la cantine pour les plus démunis. 21 familles doivent débourser un euro de plus par repas et par enfant. "Il s'agissait simplement de rétablir un minimum de justice et de responsabilisation, parce que ceux qui sont tout à fait en bas de strate, ce sont des gens qui pour la plupart ne travaillent pas", justifie le maire.
Au Pontet, la cantine n'est plus gratuite pour les plus pauvres
Au Pontet, dans le Vaucluse, le maire FN, Joris Hébrard (photo), a lui aussi réformé l'accès à la cantine des familles les plus démunies. Dans cette commune de 17.000 habitants, ceux qui autrefois bénéficiaient de la gratuité de la cantine doivent désormais s'acquitter de 1,57 euro par repas. "Si les gens se responsabilisent un peu plus, qu'ils n'ont pas forcément le téléphone dernier cri, qu'ils arrêtent de fumer, les écrans plats etc, ils arriveront à nourrir leurs enfants", s'était défendu l'édile sur France Bleu.
Dans cette ville aussi, le nouveau maire a augmenté son salaire. En mai, le conseil municipal a voté une hausse de 44% des indemnités de Joris Hébrard. La préfecture du Vaucluse a toutefois a retoqué cette décision, estimant que cette augmentation était contraire au code des collectivités territoriales, qui plafonne les indemnités. Mais si le maire du Pontet a tenté de s'augmenter, il compte bel et bien imposer à sa commune une sévère cure d'austérité. Début septembre, Joris Hébrard a annoncé des économies drastiques, destinées à réduire une dette municipale culminant à 50 millions d'euros.
A Beaucaire, "on voit toujours autant de dealers"
Julien Sanchez (photo), parachuté par le FN depuis Paris a été élu maire de Beaucaire (15.000 habitants), dans le Gard. Pendant la campagne, il avait promis de doubler les effectifs de la police municipale et de lutter contre les "caïds qui font la loi". Le candidat souhaitait aussi "vite redonner son caractère provençal à la ville", notamment "en réservant des places de marché aux artisans et commerces traditionnels", rapportait Libération. L'édile ciblait spécifiquement les kebabs, "trop nombreux" selon lui.
Mais six mois après, même les partisans du FN déchantent. "Ce ne sont que des mots. On voit toujours autant de dealers. La police municipale devait avoir le renfort de trois gents en septembre, ils ne sont pas encore arrivés", déplore Jacques Doulaud, militant FN et président d'une association de défense des traditions provençales. Il reproche à Julien Sanchez d'avoir recruté dans l'équipe municipale des élus qui étaient déjà dans les précédentes mandatures. Cette fausse rupture serait responsable d'une politique bien trop modérée à ses yeux. Pour lui, Julien Sanchez "n'a de Front national que le nom".
A Mantes-la-Ville, "aucune décision majeure"
Cyril Nauth (photo) a créé la surprise en remportant l'élection municipale à Mantes-la-Ville, 19.000 habitants, dans les Yvelines, à la faveur d'une division de la gauche. Or, ce professeur d'histoire-géographie n'avait pas préparé un programme très précis. Résultat : six mois après, les habitants n'ont noté aucun changement, mis à part une diminution des PV de stationnement. Soucieux de ne pas être taxé de sectarisme, Cyril Nauth a baissé les subventions à toutes les associations, sans cibler spécifiquement celles qui sont hostiles au FN. Même l'opposition reconnaît qu'elle n'a pas grand-chose à critiquer, si ce n'est ses prises de position vantant la "préférence nationale".
"Aucune décision majeure n'a été prise à Mantes-la-Ville", explique lui-même Cyril Nauth dans Le Point. La semaine dernière, l'hebdomadaire a cependant révélé que depuis son élection, les départs se multipliaient parmi le personnel de la mairie.