Ce devait être l'heure de la reconquête, du rebond après le coup de massue. Marine Le Pen, invitée du 20 heures de TF1 mercredi soir, saisissait une nouvelle occasion de sortir d'une diète médiatique qui dure (quasiment) sans discontinuer -à l'exception d'un autre 20 heures de TF1 début septembre- depuis le calamiteux débat d'entre-deux tours de la présidentielle. Las, l'annonce mardi de la mise en examen du Front national dans l'affaire des emplois présumés fictifs d'assistants d'eurodéputés est venue perturber son plan de communication.
Ennuis judiciaires. Cette mise en examen est l'énième difficulté qui s'ajoute à une longue liste pour la présidente du Front national. Dans cette enquête, qui s'intéresse au travail effectif d'assistants parlementaires qui ont été rémunérés par le Parlement européen mais auraient en réalité travaillé pour le parti, Marine Le Pen est déjà elle-même mise en examen pour abus de confiance et complicité d'abus de confiance. C'est également le cas de Marie-Christine Boutonnet, autre eurodéputée, et de quatre anciens assistants d'élus.
Offensive sur LR. Sans cette mise en examen, le timing aurait été parfait. Car Marine Le Pen connaît désormais officiellement le nom du nouveau patron de LR, avec lequel s'engagera un bras de fer pour récupérer les électeurs à la droite d'Emmanuel Macron. Son plan d'attaque contre Laurent Wauquiez est simple : forcer celui-ci à trancher entre le "rassemblement" qu'il appelle de ses vœux avec l'ensemble de sa famille politique, et la ligne droitière qu'il affiche depuis le début de sa campagne interne. La présidente frontiste mise sur le fait que, comme l'écrivait le cardinal de Retz dans ses Mémoires, "on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment".
" Wauquiez va donner des coups de barre à droite. Les [Alain] Juppé et les [Valérie] Pécresse vont partir et rejoindre Macron. On va assister à la déconstruction de la droite. "
Forcer Wauquiez à sortir du bois. Selon Marine Le Pen, citée par Le Figaro, Laurent Wauquiez "va se recentrer, parce qu'à droite ils ne savent faire que ça". L'autre scénario est envisagé par l'un de ses proches auprès d'Europe1.fr : "Wauquiez va donner des coups de barre à droite. Les [Alain] Juppé et les [Valérie] Pécresse vont partir et rejoindre Macron. On va assister à la déconstruction de la droite." Pour l'instant, avec le départ tonitruant de Xavier Bertrand, c'est plutôt cette option qui se profile. Et Marine Le Pen a toujours répété que, quand bien même la droite traditionnelle marcherait sur ses plates-bandes, l'électorat préfèrerait l'original à la copie.
Tout miser sur les européennes. D'autant qu'un événement permettra, veut-on croire au FN, de mettre la droite en grande difficulté : les élections européennes de 2019. "Notre position n'a pas été claire pendant la présidentielle", admet un élu frontiste, qui veut désormais imposer "un grand débat" sur le sujet. Ce qui permettrait, selon lui, de créer une opposition frontale entre La République en marche!, farouchement pro-Union européenne, et le Front national. "On est les plus anti-européens", résume cet élu. "Les autres ne proposent que des accommodements." Un argument qui saura convaincre un électorat persuadé que l'Union européenne est la cause de tous ses maux, espèrent les frontistes.
Difficultés politiques. Ce débat sur l'union européenne doit aussi sortir le Front national du trou d'air qu'il traverse depuis des mois. Car politiquement aussi, Marine Le Pen est en difficulté. Elle qui a pourtant doublé François Fillon et Jean-Luc Mélenchon pour se hisser au second tour de la présidentielle, permettant au passage au Front national de battre son record de voix jamais obtenu, se retrouve lâché par son ex-bras droit, Florian Philippot, et avec trop peu de députés pour former ne serait-ce qu'un groupe à l'Assemblée nationale. Ce statut de non-inscrit, déjà très handicapant en termes de temps de parole et de latitude d'action, se double de faux pas qui n'échappent pas aux observateurs avisés. Ainsi Marine Le Pen a-t-elle commencé, lundi, à défendre bec et ongle un amendement à la "réforme des contrats, du régime général et de la preuve des obligations"…avant de s'apercevoir que, "perdue dans ses documents", elle ne lisait pas la bonne fiche.
" Il faut se méfier des gens qui enterrent rapidement. Marine Le Pen en a sous le pied. "
"Il y en a deux qui bossent. Les autres ne font rien." L'absence de la présidente du Front national dans l'hémicycle avait aussi été soulignée au mois de juillet, avant que Marine Le Pen ne finisse par le justifier par un mal de dos. Plus généralement, le manque de travail des huit, puis sept députés (après le départ de José Evrard, qui a rejoint Les Patriotes de Florian Philippot) frontistes est pointé du doigt par leurs collègues. "Il y en a deux qui bossent, [Emmanuelle] Ménard et [Ludovic] Pajot", persifle un élu macroniste. "Les autres ne font rien." L'exil de José Evrard était également lié à son absence d'implication, selon un proche de Marine Le Pen. "On lui avait dit : 'attention, ton assistant parlementaire ne branle rien, tes statistiques [de présence] sont déplorables'. Finalement il a décidé qu'il ne voulait pas bosser, c'est pathétique."
"Marine en a sous le pied." Dans ce contexte difficile, Marine Le Pen doit donc repasser à l'offensive. Sa discrétion dans les médias avait beaucoup alimenté les rumeurs de déprime, porte ouverte à une crise de leadership, alors que le FN tient son Congrès en mars. "Je ne la sens pas du tout déprimée", tranche le député frontiste Sébastien Chenu auprès de l'AFP. "Il faut se méfier des gens qui enterrent rapidement. Marine Le Pen en a sous le pied." La présidente du Front national devra le montrer mercredi soir au JT de TF1.