Le constat est accablant. Alors que le débat autour du budget 2017 reprend lundi après-midi à l’Assemblée Nationale, les députés ont déserté l’hémicycle depuis la rentrée. Sur 577, ils sont plus de 300 à ne plus siéger pour les séances de Questions au gouvernement, soit plus d’un sur deux. Et pourtant, celles-ci sont censées être la vitrine de l’Assemblée…
>> Si l’Assemblée ne communique jamais aucun chiffre sur cet absentéisme galopant, Europe 1 a enquêté sur les raisons et les conséquences d'un tel phénomène.
Du jamais-vu. Depuis la rentrée, c’est simple : l’absentéisme a bondi en moyenne de plus de 20%. La bibliothèque est déserte ; les salles de réunion prennent la poussière ; les assistants parlementaires enchaînent les cafés et actualisent leurs CV pour la suite… En commission, l’ambiance est crépusculaire : de plus en plus d’élus signent la feuille d’émargement puis repartent aussi vite. Tous les quinze jours au moins, un député supplie le patron de l’Assemblée de ne pas le sanctionner financièrement pour absentéisme. Enfin, aux réunions du groupe socialiste le mardi, Manuel Valls a beau faire le déplacement, moins d’un tiers des élus PS sont là. Du jamais-vu, tandis qu’il y a cinq ans, l’Assemblée était restée active jusqu’à Noël.
L’absentéisme et son impact politique. Mercredi dernier, par exemple, en pleine discussion sur le budget 2017, l’Hémicycle sonnait bien creux. Faute de combattants, des tas d’amendements ont fini à la poubelle. Mais le plus spectaculaire, c’est le coup de force réalisé par une poignée de frondeurs ce soir-là. Ces derniers sont parvenus à retoquer deux mesures budgétaires avec un simple vote à main levée, tant les députés loyalistes, fidèles au gouvernement, manquaient à l’appel. Depuis, le patron des députés PS, Bruno Le Roux, joue les gendarmes et contrôle les absences.
Pourquoi une telle désertion ? Trois raisons peuvent expliquer un tel phénomène. D’abord, à gauche, les socialistes fuient la capitale et les caméras. "Le bilan du quinquennat est devenu un boulet", confie-t-on. Rester dans sa circonscription reste alors le meilleur moyen de s’en éloigner. "On enchaîne les inaugurations, les mariages, les chrysanthèmes", raconte un député. "C’est notre dernière chance de garder notre siège." Deuxième raison : la primaire de droite, seule bataille qui vaille à l’esprit de certains. "À quoi bon perdre notre temps à l’Assemblée ?", s’interroge un sarkozyste.
Enfin, l’ordre du jour peut apporter un troisième élément de réponse. En dehors du budget, les textes débattus concernent la montagne, la pêche, ou encore l’outre-mer. Autant de projets consensuels, sans réel enjeu politique. "Aujourd’hui, le quinquennat, c’est fini. Les primaires ont fait passer le mandat présidentiel en France à quatre ans", résume enfin le député de Charente-Maritime, Olivier Falorni. "Le temps utile de la politique s’est considérablement réduit. Il y a des campagnes qui sont menées sur le terrain, et malheureusement, ça affecte le travail parlementaire", estime-t-il. Cette lente agonie du Parlement va se poursuivre jusqu'à fin février. L’élaboration des promesses électorales prendra alors définitivement le dessus.