Baisseront-elles ou ne baisseront-elles pas ? La question des aides sociales, lancée dans le débat public le week-end dernier, ne semble toujours pas réglée au sein du gouvernement. Alors que Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, avait évoqué une possible baisse dimanche pour diminuer la dépense publique, plusieurs autres membres du gouvernement sont venus démentir l'information. Sans pour autant indiquer clairement la position de l'exécutif.
Acte 1 : Bruno Le Maire met le feu aux poudres
Tout est parti d'une question, posée à Bruno Le Maire dimanche dans Le Grand Rendez-Vous d'Europe 1. Deux jours plus tôt, le journal Le Monde avait révélé l'existence d'une note interne à Bercy, préconisant de revoir certaines aides sociales afin de faire des économies. Et Bruno Le Maire n'a pas démenti que ce document serve effectivement de base de travail à l'exécutif. "Expliquer qu'on va réduire la dépense publique sans rien toucher aux aides sociales, ce ne serait pas cohérent et pas lucide vis-à-vis des Français", a-t-il déclaré. "Il y a des inégalités importantes et nous les compensons par des aides sociales toujours plus élevées. Nous voulons rompre avec ça et traiter ces inégalités à la racine, en formant mieux, en qualifiant mieux, en donnant des emplois. C'est ce que nous avons commencé à faire. Ça nous autorise ensuite à réduire le montant des aides sociales qui sont distribuées pour compenser ces inégalités."
Largement de quoi déclencher des réactions virulentes de l'opposition de gauche, qui a vu là une ultime preuve du déséquilibre entre politique sociale et libérale dans l'action de l'exécutif.
Acte 2 : les démentis s'enchaînent…
Plusieurs membres du gouvernement sont immédiatement montés au front pour éteindre l'incendie. Mercredi, Agnès Buzyn, ministre des Affaires sociales, a promis à l'Assemblée qu'il n'y aurait "pas de remise en cause" des aides sociales. Le même jour, Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics, jugeait également qu'il ne fallait pas "toucher aux prestations sociales individualisées". Bruno Le Maire est alors apparu très isolé au sein du gouvernement.
D'autant que dans le cercle plus large de la majorité, l'idée n'a pas fait que des heureux. Brigitte Bourguignon, députée LREM présidente de la commission des Affaires sociales, s'est immédiatement prononcée contre une "mauvaise idée".
Acte 3 : …mais la fin de la récré n'est pas sifflée
Pourtant, le doute subsiste encore. Et pour cause, la position officielle du gouvernement n'a pas été donnée, ou de manière si sibylline que bien malin celui qui saurait déchiffrer ce qui se prépare vraiment. Ainsi, Gérald Darmanin a tout de même concédé qu'il y avait "évidemment des économies à faire dans le domaine social", même s'il a plutôt préconisé de "réduire les aides aux entreprises".
Le porte-parole du gouvernement n'a pas non plus clos la discussion. Certes, Benjamin Griveaux a recadré tout le monde sur Europe 1 jeudi, jugeant qu'il était "légitime" et "sain" de débattre mais invitant "les ministres à le faire dans les réunions et pas dans la presse". Mais sur le fond, il n'a pas répondu précisément, se contentant de rappeler certains principes. "Ça n'est pas la direction du budget qui fixera la politique sociale du gouvernement. La décision appartient au gouvernement et au politique", a-t-il ainsi rappelé. "La politique du rabot n'est jamais une bonne politique."
Si des voix dissonantes se sont déjà fait entendre au sein de l'exécutif, c'est la première fois que le flou demeure. Sur la réduction de la vitesse à 80 km/h par exemple, certains ministres, dont Gérard Collomb, n'ont pas hésité à faire part de leurs doutes. En revanche, la position du gouvernement a toujours été très claire. Sur les aides sociales, ce n'est pas le cas. Et les propos de Bruno Le Maire ressemblent toujours à un ballon d'essai. D'ailleurs, un ministre l'admet dans Le Parisien : le ministre de l'Économie n'a pas vraiment commis une bourde, il a surtout "mal teasé ce qui se prépare".