Troisième dose, pass sanitaire, redressement économique du pays... L'allocution télévisée du président Emmanuel Macron, ce mardi soir, est attendue (ou redoutée) par une large majorité de Français. Le pays risque-t-il une cinquième vague épidémique ? Pour Nicolas Beytout, éditorialiste d'Europe 1, une telle prise de parole laisse penser que "l'heure est grave", mais la situation n'est pas aussi préoccupante qu'en juillet dernier.
"Booster" la vaccination
Rappelons-nous : la dernière fois que le chef de l’État s’était exprimé à 20 heures, sur toutes les chaînes de télé et la plupart des radios, c’était pour alerter sur la quatrième vague de Covid-19 qui menaçait de nous pourrir l’été, alors que les Français tardaient à se faire vacciner en masse. Mais non, cette fois, même si une cinquième vague est régulièrement évoquée dans la presse, la situation n’a pas du tout le même caractère de gravité ou d’urgence qu’il y a quatre mois.
Le but de cette allocution : donner un nouvel élan à la vaccination. La campagne pour la troisième dose patine, alors qu'on sait avec certitude qu’elle est nécessaire pour protéger pleinement les plus fragiles. Il faut donc "booster" la vaccination, comme l’explique Richard Ferrand, le président de l’Assemblée nationale et proche d’Emmanuel Macron. Booster, oui, mais comment ?
En juillet dernier, le président de la République avait habilement joué sur le pass sanitaire pour booster la vaccination, en particulier celle des anti-vax. Parce que, mine de rien, ce passeport pour une vie normale était en réalité une contrainte forte, et même une question vitale pour tous ceux qui, travaillant dans le secteur hospitalier par exemple, devaient obligatoirement se faire vacciner sous peine de perdre leur emploi. Mais ce qui aurait pu être ressenti comme une grave atteinte aux libertés - celle d’aller au restaurant, au cinéma, ou dans des lieux de fête - avait été parfaitement compris comme, au contraire, un moyen de retrouver la liberté, de revenir à la vie quasi-normale, celle d’avant le Covid.
"Le pass troisième dose risque de devenir un visa temporaire"
De là à répéter la même opération pour la troisième dose, "ce sera très difficile. Parce que lier le pass sanitaire à une troisième dose, c’est entrer dans une logique où chaque rappel de vaccin sera exigible pour mener une vie normale. Le pass sanitaire changerait alors de statut pour devenir une sorte de passeport vaccinal permanent, puisqu’on sait maintenant que nous allons devoir vivre longtemps avec un virus et son vaccin. De laissez-passer pour la liberté, le "pass troisième dose" risquerait ainsi de devenir un visa temporaire pour la vie sociale. C’est très différent, à la fois dans la vie courante, mais aussi pour le symbole politique que ça envoie.
"Se placer à côté des Français"
Au final, pour Emmanuel Macron, cette allocution télévisée va lui permettre de revenir sur le devant de la scène médiatique, à quelques mois de la présidentielle. Il veut sortir d’une période où sa parole a été recouverte par une autre actualité politique, celle d’Éric Zemmour, et maintenant par celle de la primaire de la droite. Il saisit donc la petite recrudescence de l’épidémie pour essayer de remobiliser sur la vaccination, bien sûr, mais aussi pour parler de son action, des réformes qu’il veut continuer de mettre en place (le contrat d’engagement pour les jeunes, la relance France 2030).
Et puis, Emmanuel Macron veut se placer à côté des Français, se montrer attentif à leur vie, cultiver sa proximité avec Monsieur et Madame Toutlemonde. C’est un fait, la tonalité de ses discours a changé, le travail sur son image a changé. C’est de moins en moins le président absolu, celui qu’on a surnommé Jupiter, et de plus en plus un président accessible (attention, pas normal…), qui se filme en T-shirt, se montre lorsqu’il est malade ou joue au foot sans chi-chi.
Dans ce travail de conversion de l'image d'Emmanuel Macron, le plus spectaculaire s’est produit mercredi dernier, lorsqu’il a rendu hommage à la chancelière Angela Merkel. Tout en humilité, en gratitude, en reconnaissance, comme un élève devant un maître. Alors, rendez-vous ce soir 20 heures pour voir comment il réussit à manier la nécessaire solennité de la parole présidentielle sur le Covid, avec l’humanité, la proximité qu’il veut reconquérir auprès des Français.