Aux grands maux les grands remèdes. Confronté à une crise sans précédent depuis l’émergence du mouvement des "gilets jaunes", Emmanuel Macron a décrété "l’état d’urgence économique et social" lundi, lors d’une allocution présidentielle depuis l’Élysée. Le président, qui s’est excusé à plusieurs reprises pour sa gestion des événements, a ponctué son "adresse à la nation" d’annonces fortes, comme un coup de pouce total de 100 euros sur le Smic au 1er janvier. Et il s’est tourné vers l’avenir, évoquant "un débat sans précédent au niveau national" sur de nombreux sujets, de l’environnement à l’immigration en passant par le fonctionnement de l’État.
Des mesures chocs et immédiates
Première annonce surprise faite par Emmanuel Macron : les salariés au niveau du Smic vont percevoir une hausse de 100 euros par mois "sans qu'il en coûte rien à leur employeur" dès le début de l’année prochaine. Un coup de pouce inattendu, tant le gouvernement martelait ces derniers jours qu’il n’y aurait pas de coup de pouce au Smic. Selon les informations d'Europe 1, il ne s'agirait pas d'une hausse du Smic, mais d'un coup de pouce donné à la prime d’activité. Cette aide, qui remplace le RSA activité et la prime pour l'emploi depuis 2016, est versée aux travailleurs percevant des "revenus modestes", qui en font la demande auprès de l'administration. Le montant de cette prime dépend en partie de la composition et des ressources du foyer.
Par ailleurs, les retraités touchant moins de 2.000 euros par mois vont être exemptés de la hausse de la CSG. Cette mesure, entrée en vigueur en deux temps en 2018, s’accompagnait de la suppression des cotisations maladie et chômage, et devait permettre que le travail paye plus. Mais elle laissait de côté une majeure partie des retraités qui ne bénéficiaient pas, en contrepartie, de la suppression des cotisations. Jusque-là, seuls les retraités gagnant moins de 1.200 euros environ étaient exemptés.
Dans sa réponse au mouvement des "gilets jaunes", le chef de l'État a également annoncé que les heures supplémentaires seraient versées "sans impôts ni charges dès 2019", une mesure qui devait entrer en application au deuxième semestre 2019 et se voit donc finalement avancée. Enfin, Emmanuel Macron a demandé aux entreprises "qui le peuvent" de verser une prime de fin d'année qui sera elle aussi défiscalisée et sans charges sociales. En revanche, pas de retour en arrière sur l’ISF : "les plus riches partaient et notre pays s'affaiblissait. […] Revenir en arrière nous affaiblirait alors que nous sommes en train de créer des emplois."
Emmanuel Macron fait acte de contrition
Au-delà des annonces, le président de la République a également tenu à répondre à ceux qui le disent déconnecté de la situation des Français. "Je n’oublie pas qu’il y a une colère et une indignation. Beaucoup de Français peuvent la partager", a reconnu lundi Emmanuel Macron. Évoquant "40 années de malaise qui resurgissent" aujourd’hui, le chef de l’État a qualifié de "juste à bien des égards" la colère qui anime les "gilets jaunes". "Nous avions fini lâchement par nous y habituer. (…) Sans doute n’avons-nous pas su en un an et demi lui apporter une réponse suffisamment rapide et forte", a-t-il avoué.
Surtout, Emmanuel Macron a fait son mea culpa. "Il a pu m'arriver de donner le sentiment que (le malaise des travailleurs) n'était pas mon souci, que j'avais d'autres priorités", a déclaré le chef de l’État. "Je prends ma part de responsabilité. Je sais qu'il m'est arrivé de blesser certains d'entre vous par mes propos", a-t-il ajouté, très solennel, avant de se tourner vers ses concitoyens qui l’ont élu. "Je veux ce soir (lundi soir) être très clair avec vous. Si je me suis battu pour bousculer le système politique en place, c'est précisément parce que je crois plus que tout dans notre pays et que je l'aime. Ma légitimité, je ne la tire que de vous, de nul autre", a lancé le président.
Un débat national à venir
Enfin, Emmanuel Macron a esquissé les grandes lignes de la concertation qui doit s’ouvrir au niveau national et dans les territoires. Nous sommes au "rendez-vous de notre pays et de notre avenir", a statué le président de la République. Estimant que le temps est à présent au dialogue et non plus aux manifestations, accompagnées de leurs "violences inadmissibles", Emmanuel Macron a demandé que règne "le calme républicain".
Pour commencer, le chef de l’État va réunir cette semaine les "grandes entreprises" du pays pour organiser les mesures annoncées sur les salaires et faire en sorte que le travail paye. Par la suite, Emmanuel Macron ira "rencontrer les maires, région par région" pour bâtir le socle d'un "nouveau contrat pour la nation", information que vous donnait Europe 1 dès lundi matin.
Enfin, "un débat sans précédent au niveau national" aura lieu à tous les niveaux pour aborder "toutes les questions essentielles". "Chacun aura sa part", a assuré Emmanuel Macron : les institutions représentatives, les syndicats, le patronat, les associations et évidemment les citoyens. "Nous devons assumer tous ensemble tous nos devoirs", a-t-il expliqué, évoquant notamment "la possibilité de voir les courants d'opinion mieux entendus dans leur diversité", mais aussi "la prise en compte du vote blanc, et même que soient admis à participer au débat des citoyens n'appartenant pas à des partis".
Le président de la République a également laissé entrevoir un pas supplémentaire vers plus de décentralisation. "Je veux que soit posée la question de l’organisation de l’État, comment il est dirigé, sans doute de façon trop centralisée depuis Paris", a-t-il déclaré. Et Emmanuel Macron de conclure, sur un ton grave : "Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies, comme trop souvent par le passé lors des crises. Nous sommes à un moment historique de notre pays."