"Le nationalisme, c'est la guerre". Une phrase célèbre, prononcée par François Mitterrand en 1995, mais qui devait déjà, trois ans auparavant, résonner dans l'esprit de Jacques Delors, ancien grand artisan du projet européen, décédé ce mercredi à l'âge de 98 ans. En 1992, celui qui présidait à l'époque la Commission européenne, œuvrait en faveur de l'adoption du traité de Maastricht, texte majeur de la construction européenne qui structure les 12 États membres de l'Union autour de trois piliers : la Communauté européenne, la coopération policière et judiciaire en matière pénale, mais aussi la coopération en matière de politique étrangère et de sécurité commune.
Dans une grande déclaration, le 28 mai 1992, Jacques Delors appelait ainsi à se détourner de la politique "purement nationale". "Un luxe que plus personne ne peut se permettre, ni politiquement ni économiquement", ajoutait-il. L'ancien ministre de l'Économie de François Mitterrand y voyait également "un risque" car, selon lui, "l'Europe serait de nouveau déchirée et déstabilisée".
Une mise en garde contre "certaines tendances populistes"
Et de poursuivre : "Gardons-nous dès lors du virus du nationalisme qui sévit de nouveau aujourd'hui à l'est de l'Europe", faisant référence à la résurgence de cette doctrine politique dans une région du monde fraîchement libérée du joug de l'URSS, et où des tensions commencèrent à émerger, notamment dans les Balkans, autour des nouvelles frontières nées de l'éclatement du bloc soviétique.
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Un terrain propice à l'affirmation d'un discours nationaliste que Jacques Delors abhorrait et ne voulait entendre sous aucun prétexte. "Nous devrions nous reprocher notre myopie et notre faillite politique si nous suivions aujourd'hui certaines tendances populistes, certaines émotions nées de l'insécurité et de la peur de l'avenir", concluait-il.
Quelques mois plus tard, Jacques Delors assurait même qu'il privilégiait la victoire du oui au référendum sur le traité de Maastricht sur une candidature à l'élection présidentielle de 1995. Une déclaration qui prit rapidement des allures de prophétie puisque, le 20 septembre 1992, la France se prononçait en faveur de l'adoption du traité (avec 51,04% des suffrages en faveur du oui) et, trois ans plus tard, Jacques Delors annonçait sa décision de ne pas briguer la magistrature suprême au terme des deux septennats de François Mitterrand.