Des juges d'instruction vont enquêter sur des soupçons d'emplois fictifs d'assistants parlementaires européens du parti centriste MoDem, a annoncé jeudi le parquet de Paris, alors que le Front national est déjà visé par une enquête similaire. "Au vu des premiers éléments recueillis dans le cadre de l'enquête préliminaire", le parquet a ouvert mercredi une information judiciaire contre X pour "abus de confiance, recel d'abus de confiance et escroqueries", a-t-il précisé. La justice cherche à savoir si certains collaborateurs d'eurodéputés de la formation centriste ont été en partie rémunérés par les fonds publics du Parlement européen, alors qu'ils étaient en réalité affectés à d'autres tâches pour le parti.
Cette affaire a écourté la présence du MoDem au gouvernement d'Édouard Philippe, entraînant la démission de trois ministres: François Bayrou (Justice), Marielle de Sarnez (Affaires européennes) et Sylvie Goulard (Armées). Elle a démarré par une dénonciation d'une élue du Front national, qui a conduit en mars le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire pour "abus de confiance" visant au total une vingtaine de députés européens de tous bords.
Une enquête spécifique au Modem. En juin, l'affaire avait rebondi: un ex-employé à la communication du MoDem avait adressé un courrier à la justice, affirmant avoir été, de décembre 2010 à novembre 2011, en partie rémunéré comme assistant de l'eurodéputé Jean-Luc Bennahmias et avoir pourtant travaillé "uniquement pour le siège" à Paris. Le parquet avait alors décidé d'ouvrir une enquête préliminaire spécifique au MoDem. Le cas de cet ex-employé, Matthieu Lamarre, pourrait ne pas être isolé au sein du parti centriste, qui a envoyé six élus au Parlement de Strasbourg entre 2009 et 2014. Des contrats et fiches de paie de six permanents du parti, consultés par l'AFP, montrent qu'ils ont ensuite été détachés à temps partiel comme collaborateurs d'eurodéputés, via un avenant à leur contrat.
"Nous n'avons jamais eu d'emplois fictifs". François Bayrou, patron du petit parti MoDem depuis 2007, pouvait-il ignorer ces pratiques si elles sont avérées? "Nous n'avons jamais eu d'emplois fictifs", avait assuré l'éphémère garde des Sceaux le 21 juin, jour de sa démission, dénonçant une opération "dans le but de décrédibiliser la personne qui portait la loi" de moralisation de la vie publique. L'ex-eurodéputé Jean-Luc Bennahmias, Matthieu Lamarre et deux autres anciennes collaboratrices parlementaires ont été auditionnés à l'office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff) à Nanterre, près de Paris.
L'ouverture d'une information judiciaire rend désormais envisageable la convocation de certains protagonistes par les juges d'instruction en vue d'une éventuelle mise en examen ou d'un placement sous le statut intermédiaire de témoin assisté. Le Front national est lui-même visé par une information judiciaire, qui a conduit le 30 juin à la mise en examen de sa présidente, Marine Le Pen.